Quand les discussions du café des Sports tiennent lieu de boussole politique, il y a urgence à s'inquiéter de l'état du débat public. Ainsi, il est des conseillers élyséens, des caciques socialistes, et même un ministre, Patrick Kanner, pour estimer que « le président pourra bénéficier [d'un] beau parcours » de l'équipe de France de football à l'Euro. Devant la crise sociale qui persiste, les syndicats qui tempêtent et le peuple qui gronde, l'intéressé a lui-même fui l'Elysée pour se réfugier l'espace d'une soirée non à Varennes, mais à Clairefontaine, le quartier général des Bleus. Rompant le pain avec ses 23 apôtres en survêt, François Hollande leur a délivré son ordre de mission : « Le pays peut être heureux avec vous, alors que nous vivons des difficultés. Nos compatriotes ont envie d'être heureux et fiers. Il faut leur donner ce qu'ils attendent de vous : un esprit collectif, une volonté de gagner ensemble. »
Misère du quinquennat... Ce que ni Jean-Marc Ayrault ni Manuel Valls n'ont réussi à impulser depuis 2012, c'est donc désormais à... Didier Deschamps de le réussir !
La première mise en scène de cet ordre remonte à la Coupe du monde 1998. La transfiguration d'un succès sportif en héroïsation politique d'une France « black-blanc-beur » par le tandem exécutif de l'époque, Chirac-Jospin, n'a pas eu d'effet plus durable que l'édification d'un village Potemkine au temps de Catherine II. Quatre ans plus tard, l'extrême droite accédait au second tour de la présidentielle, sombre perspective qui menace, hélas, de se reproduire l'année prochaine.
Le football n'est qu'un jeu et la politique ne devrait pas en être un. C'est là le drame.
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