Un jeune narrateur s’éveille malencontreusement sur un galion en partance pour le bout du monde. Il devient moussaillon malgré lui et doit affronter la violence de ses équipiers, avec l’aide précieuse de Toine le chef cuisinier du bateau, qui, plus expérimenté, le prend sous sa protection. A cause d’une succession d’avaries, le voyage devient cauchemardesque. Échoués sur une île mystérieuse, le narrateur et Toine sentent que partout autour d’eux, quelque chose progresse, pousse, et un battement puissant se fait bientôt entendre. La suite...
Juan Asensio est essayiste et critique littéraire. Il collabore à de nombreuses revues dont Études, L’Atelier du Roman et La Revue des deux Mondes. Depuis 2004, il tient le site Stalker qui se conçoit comme une « dissection du cadavre de la littérature ». Il a préfacé la réédition de La Montagne morte de la vie de Michel Bernanos (éditions L’arbre vengeur), le fils de Georges Bernanos.
PHILITT : Peut-on dire que Michel Bernanos a hérité de son père une fascination pour le désespoir ?
Juan Asensio : J’ai beau savoir que lorsque les pères mangent des raisins verts, les dents de leurs enfants en sont agacées, il faudrait toutefois imaginer par quelle voie ce désespoir, comme les yeux de couleur bleue, pourrait passer du sang du père à celui de son fils ! Peut-être pourriez-vous poser cette question pour le moins saugrenue à Cécile Delorme-Reboul, qui semble sur ce sujet disposer d’une réponse commode, si j’en juge par certains de ses plus récents propos1 ! Plus sérieusement, à lire Michel Bernanos, il paraît évident d’affirmer que le désespoir suinte de ses textes les plus emblématiques, je songe bien sûr à son chef-d’œuvre, La Montagne morte de la vie qui nous occupe ici. C’est une tout autre question que d’inférer de ce désespoir littéraire un désespoir personnel, même si le suicide de l’auteur peut bien évidemment constituer un indice pour le moins patent : oserions-nous dire que Michel Bernanos n’a point été heureux, ou bien qu’il l’a été lorsqu’il n’écrivait pas ses noires paraboles ? Ce serait bien trop commode. Quoi qu’il en soit, je n’aime pas procéder à de petites et réductrices analyses physio-psychologiques sur quelque homme que ce soit, fût-il un pion d’école, encore moins lorsqu’il se trouve que l’homme en question est un écrivain.
Si chez Georges Bernanos le désespoir était une façon d’atteindre l’espérance, chez Michel, l’espérance ne perce pas. Où se trouve la vie dans La Montagne morte de la vie ?
La vie se trouve sans doute dans l’incroyable persévérance qui anime les deux personnages, Toine accompagné du jeune mousse et qui, aux toutes dernières lignes de ce texte ténébreux et superbe, permet à quelques larmes de ne point rester pétrifiées pour des millénaires d’une vie minérale, morte, puisqu’elles semblent revivre dans la mémoire du narrateur. Jamais ces deux-là ne renoncent, et c’est en cela qu’ils sont d’authentiques personnages bernanosiens, alors que, dans le paysage démoniaque qu’ils traversent, chaque nouvelle découverte est l’occasion d’une évidence parfaitement décourageante. La suite...
Salsa Bertin a consacré une biographie à Michel Bernanos.