A ma mère
Après un si joyeux festin,
Zélés sectateurs de Grégoire,
Mais amis, si, le verre à la main
Nous voulons chanter, rire et boire,
Pourquoi s'adresser à Bacchus ?
Dans une journée si belle
Mais amis, chantons en « chorus »
A la tendresse maternelle.
Un don si précieux,
Ce doux protecteur de l'enfance,
Ah ! C'est une faveur des cieux
Que Dieu donna dans sa clémence,
D'un bien pour l'homme si charmant
Nous avons ici le modèle ;
Qui ne serait reconnaissant
A la tendresse maternelle ?
Arrive-t-il quelque bonheur ?
Vite, à sa mère on le raconte ;
C'est dans le sein consolateur
Qu'on cache ses pleurs ou sa honte.
A-t-on quelques faibles succès,
On ne triomphe que pour elle
Et pour répondre aux bienfaits
De la tendresse maternelle.
Ô toi, dont les soins prévoyants,
Dans les sentiers de cette vie
Dirigent mes pas nonchalants,
Ma mère, à toi je me confie.
Des écueils d'un monde trompeur
Ecarte ma faible nacelle.
Je veux devoir tout mon bonheur
A la tendresse maternelle.
Alfred de Musset
(Poème de jeunesse, écrit pour sa mère à l'âge de quatorze ans)