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3 juillet 2021 6 03 /07 /juillet /2021 09:27

Le totalitarisme s’installe petit à petit dans nos démocraties libérales. La période de mise sous contrôle de notre vie privée durant la crise du COVID, le pass sanitaire, les lois bioéthiques adoptées sans vrais débats ouvrant la porte au transhumanisme et à la marchandisation des corps, les réunions «non mixtes racisées» à l’UNEF en sont autant d’exemples. L’écrivain américain et journaliste, Rod Dreher, auteur du Pari bénédictin en 2017, nous invite à la résistance dans son nouveau livre, Résister au mensonge (Edition Artège) .

 Ces mensonges (que je dénonce), au pluriel, sont une collection de dogmes connexes que la gauche veut nous voir proclamer pour prouver que nous ne sommes pas des sectaires barbares, (…) comme (…) l’idéologie du genre (par exemple, l’idée que l’identité sexuée est une complète construction sociale) ou (…) que les choses les plus importantes à connaître d’une personne sont sa race, son inclination sexuelle et d’autres marqueurs superficiels de son identité plutôt que le fond de son caractère. (…)

En 1951, Hannah Arendt a publié les Origines du totalitarisme, les résultats de son étude sur la façon dont l’Allemagne, la Russie et l’Italie ont accepté les systèmes totalitaires. Elle a découvert certains aspects que les sociétés prétotalitaires ont en commun. Les facteurs les plus importants sont la solitude de masse et l’aliénation. L’homme prétotalitaire est isolé de son voisin, étranger à sa propre culture et à ses traditions, et manque de sens et de but dans sa vie. C’est assez courant dans nos pays occidentaux postchrétiens, comme Michel Houellebecq l’a montré mieux que quiconque.

Un autre facteur important est l’effondrement de la confiance dans les institutions (…) Un désir de transgresser par souci de transgression est aussi un signe d’un totalitarisme sur le point d’advenir. Arendt disait que dans les pays prétotalitaires, les élites étaient prêtes à détruire les piliers d’une civilisation pour la satisfaction de voir des gens qui avaient été exclus se faire une place.

Autre chose : une indifférence envers la vérité et une ardeur à croire n’importe quoi qui conforterait dans ses propres partis pris. (…) Quand les gens cessent de se préoccuper de savoir si leurs dirigeants leur mentent, ils sont prêts à accepter des mensonges systématiques qui leur volent leur liberté, mais qui leur donnent un sentiment d’appartenance, un sens, un but. (…)

Nous faisons l’erreur de croire que le totalitarisme implique un État stalinien (…) avec des goulags, une police secrète, de la torture. Or, ce n’est pas cela. En fait, même une démocratie libérale peut, en principe, être totalitaire. Une société totalitaire est une société dans laquelle le pouvoir politique est monopolisé par un seul parti ou une idéologie. (…)

Le gauchisme culturel militant (l’idéologie « woke ») (…) a été désigné comme le “successeur idéologique” du progressisme. Les élites ont accepté cette idéologie et emploient leur pouvoir à l’imposer à tous. Il n’y a pas de tolérance : si vous osez être dissident, ils utiliseront leur pouvoir pour vous punir, en détruisant votre réputation, votre entreprise ou votre avenir professionnel. Vous serez dénoncé comme raciste, homophobe, transphobe, et ainsi de suite. Vos amis pourraient vous laisser tomber par peur d’être accusés à leur tour. Tout ceci est malheureusement familier à ceux qui ont vécu sous le joug communiste. (…)

La chose la plus déroutante au sujet de la nouvelle idéologie “woke”  est que c’est une contrefaçon de la sollicitude chrétienne envers les plus faibles. En tant que chrétiens ou au moins en tant qu’héritiers d’une civilisation qui était jadis chrétienne, la plupart d’entre nous croient en l’importance de défendre les plus faibles, les parias, les victimes. Mais cette nouvelle idéologie essaie d’être plus chrétienne que le Christ, donnant aux victimes – ou plutôt, à ceux à qui elle octroie le statut de victime – la valeur ultime. Soljenitsyne disait qu’il avait appris au goulag que la ligne de partage entre le bien et le mal traversait le cœur de chaque être humain. La nouvelle idéologie, comme le communisme, place cette ligne de partage entre les groupes sociaux : pour les communistes entre les bourgeois et les prolétaires, pour les “woke” entre les hétérosexuels blancs chrétiens et tous les autres. La logique est la même. (…).

Le capitalisme de surveillance mise sur une observation étroite de tout ce que chacun de nous fait sur Internet, avec nos smartphones et nos ordinateurs, pour collecter des données sur nos habitudes et les utiliser pour mieux nous faire acheter des choses. Les entreprises collectent constamment une quantité vertigineuse de nos données personnelles, toutes légalement, et les utilisent à des fins marketing. Leurs algorithmes sont devenus extrêmement précis pour prédire ce que nous aimons et ce que nous allons probablement faire. C’est assez sinistre, mais nous l’acceptons comme une condition de la modernité. Très peu soulèvent des objections contre ces agissements. La plupart des gens semblent les apprécier, parce que cela rend la vie plus pratique.

Mais que se passera-t-il si ces données sont utilisées pour nous persécuter politiquement, comme c’est le cas en Chine ? Peut-être avons-nous la certitude que la loi nous en protégera, mais que se passera-t-il lorsque les sociétés “woke” décideront de ne plus avoir d’échanges économiques avec des gens qui conservent nos valeurs et croyances, comme l’indiquent les sites que nous visitons, les choses que nous lisons, les gens avec qui nous sommes amis sur les réseaux sociaux et ainsi de suite ? Kamila Benda, une ancienne dissidente anticommuniste à Prague, me disait qu’il n’y avait rien de tel que la collecte innocente d’informations. Toutes les choses que les gens au pouvoir – que ce soit au sommet de l’État ou à la tête d’une grande entreprise – apprennent sur nous peuvent être utilisées contre nous.  (…).

J’espère me tromper, mais je ne pense pas que nous pouvons arrêter ce qui arrive. Mais nous pouvons refuser que cela nous conquière. Dans un message de 1974 à ses partisans, juste avant que les Soviétiques ne l’expulsent de son pays, Soljenitsyne leur a dit que bien qu’il fût vrai qu’ils ne pouvaient renverser le système totalitaire, ils pouvaient au moins refuser de participer à la culture de mensonges. On peut ne pas pouvoir exprimer ses opinions en public, mais on peut au moins refuser de dire des choses en lesquelles on ne croit pas. C’est là que la résistance commence. Mais (…) nous pouvons faire plus que cela. Nous devons trouver le courage de dire non, de dire que nous ne sommes pas d’accord avec cette idéologie – l’idéologie du genre, la prétendue idéologie antiraciste (qui est en réalité une forme de racisme de gauche) et le reste. (…). Et, c’est tellement important, nous devons être préparés à souffrir pour la vérité. Les anciens dissidents m’ont dit que si nous n’étions pas préparés à souffrir, nous étions déjà vaincus. Nous devons aussi, comme les dissidents l’ont fait, former de solides petits groupes solidaires partageant un but commun, côte à côte quoi qu’il arrive. Nous avons besoin les uns des autres pour être assurés que nous ne sommes ni fous ni seuls.

Extraits de l’entretien dans Valeurs Actuelles du 3 juin 2021

Merci à EVR pour avoir déniché cet entretien.

 

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