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22 janvier 2022 6 22 /01 /janvier /2022 10:12

Merci à EVR qui a repéré cet article 

Avec le passe vaccinale adopté par le parlement le 16 janvier dernier, l’Etat continue à grignoter nos libertés quotidiennes. Il faut oser se dire que ce point de vue n’est pas partagé par la majorité des Français qui fait confiance au gouvernement et accepte tout de l’Etat-nounou qui la protège. Et pourtant, comment ne pas voir dans ce contrôle numérique l’engrenage d’une notation des citoyens comme cela se fait en Chine. C’est ce qu’argumente Cyrille Dalmont, diplômé de droit public et chercheur associé à l’Institut Thomas More dans l’article ci-dessous .

Les «bons citoyens» avec un schéma vaccinal complet et les «mauvais citoyens», ceux qui ont un schéma vaccinal incomplet ou qui ne sont pas vaccinés. Il avait suffi de moins de quatorze mois pour passer d’une simple application de suivi de l’épidémie StopCovid (facultative et basée sur le volontariat) à un passe sanitaire, obligatoire de fait, et nécessaire à l’exercice de plusieurs de nos libertés fondamentales théoriquement inaliénables et constitutionnellement garanties: liberté d’aller et venir, droit à la vie privée et à l’intimité, droit à l’emploi (liberté du travail), liberté d’entreprendre (liberté du commerce et de l’industrie), liberté d’association, liberté de réunion. Et six mois de plus auront suffi pour franchir l’étape suivante nous conduisant à l’instauration de ce qui ressemble de plus en plus au système de «crédit social» chinois.

D’aucuns jugeront cette affirmation excessive et polémique. Partons des faits. Le désormais très connu système de «crédit social», fer de lance de la techno-dictature chinoise, a connu un parcours étrangement similaire à celui du passe vaccinal français. Initialement, ce que Pékin présente comme un «système de confiance en la société», qui a pris forme dans les années 2000, visait à la notation des entreprises chinoises pour permettre de faciliter les investissements étrangers et absolument pas au traçage des citoyens, ni au contrôle social des populations. Toujours dans une logique de protection de la société et des investissements, le système a évolué vers l’idée d’une évaluation de la solvabilité des citoyens et des entreprises chinoises.

Le Conseil des affaires de l’État de la République populaire de Chine a ensuite lancé un schéma de programmation et de «sensibilisation à l’intégrité et à la crédibilité au sein de la société» (2014-2020) pour finalement aboutir à quatre objectifs: «l’honnêteté dans les affaires du gouvernement», «l’intégrité commerciale», «l’intégrité sociétale» et «une justice crédible».

Toute la logique du «crédit social» repose donc sur un scoring (une évaluation chiffrée en temps réel permettant d’attribuer à chaque citoyen une note sociale) des citoyens chinois et des entreprises (chinoises et étrangères). Ce scoring comportemental repose sur le respect par les citoyens des règles imposées par le gouvernement chinois (la démonstration de votre adoration pour Xi Jinping peut également vous faire gagner quelques points) et permet donc de catégoriser les citoyens: les «bons citoyens» et les «mauvais citoyens».

La clé du système est que les «mauvais citoyens» sont tenus pour responsables de la mise en place des mesures restrictives de libertés, de traçage de la population et d’autorisation préalable engendrées par la mise en place du « crédit social» afin de protéger les «bons citoyens». Cette logique du bouc émissaire a permis la mise en place de la phase suivante visant à différencier les droits de ces deux catégories de citoyens en fonction de leur note sociale.

Les mauvais citoyens ont alors vu leurs libertés restreintes puisque, en fonction de leur note, ils ne pouvaient plus voyager, avoir accès au crédit, à certains logements, à certains métiers, à certains loisirs. Ils ont été peu à peu mis au ban de la société. Devenant infréquentables, ils sont frappés de mort sociale (lorsque vous appelez au téléphone quelqu’un de mal noté, vous êtes prévenu de son statut par un message vocal).

Les «bons citoyens», quant à eux, peuvent pratiquer les activités quotidiennes interdites aux «mauvais citoyens» mais n’en demeurent pas moins fichés et tracés par le système qui leur fournit une dose de rappel quotidienne de leur note sociale, au cas où ils seraient tentés de désobéir ou de vouloir fréquenter un «mauvais citoyen».

Il semble inutile de filer plus loin l’analogie pour comprendre que les ressorts psychologiques conduisant à la mise en place du passe vaccinal sont les mêmes que ceux ayant conduit à la mise en place du «crédit social» et que la méthodologie pour l’imposer est analogue: à savoir un grignotage ininterrompu des libertés de tous par la mise en place d’outils toujours plus intrusifs, grignotage justifié par l’irresponsabilité du «mauvais citoyens».

Pour revenir en France, il faut rappeler que (…) dès l’origine de la stratégie gouvernementale contre le Covid-19, (…) Mounir Mahjoubi, député (LREM) de Paris, ancien président du Conseil national du numérique et ancien secrétaire d’État chargé du Numérique, avait présenté un plan d’action très complet en avril 2020 dans une note parlementaire intitulée «Traçage des données mobiles dans la lutte contre le Covid-19» qui assumait pleinement la filiation chinoise de ce projet.(…)

Nos contradicteurs ne veulent en effet pas voir ce qui pourtant hélas saute aux yeux: nos sociétés occidentales semblent prêtes à la bascule. Le raz-de-marée de la cancel culture, dans son intolérance, (…), dans sa passion accusatrice et justicière, en témoigne assez. De même que la logique de fonctionnement des réseaux sociaux, qui isolent les individus dans des groupes de pensés antagonistes (…). Ils rendent, pour leurs utilisateurs claquemurés dans une forteresse de certitudes où l’autre devient l’ennemi, tout débat d’idées impossible, et souvent inutile. La conjugaison de ces deux phénomènes a déjà habitué de larges pans de la population à l’acceptation de la logique du bouc émissaire et de la notation sociale.

En outre, la lente agonie de notre État de droit, liée (…) au déséquilibre institutionnel allant grandissant, faisant passer notre régime présidentiel à un régime présidentialiste (avec une hyperconcentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif), et à la neutralisation des contre-pouvoirs en raison des états d’urgence successifs (terroristes et sanitaires) risque d’imposer l’idée que les libertés ne sont qu’une variable d’ajustement face à la volonté gouvernementale d’imposer un système de «crédit social» à la française. 

Dans Le Figaro du 18 janvier 2022

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