Noël, fête de la naissance du Christ. Noël, fête néopaïenne de la consommation. Le paradoxe n'est pas d'aujourd'hui. Voilà des décennies que la société de consommation tend à faire oublier le sens chrétien de Noël. Ce qui est nouveau, peut-être, c'est qu'elle s'en justifie aujourd'hui en revendiquant hautement l'antériorité païenne de l'événement.
L'étonnant est que seize siècles plus tard, on veuille oublier ce renouveau pour en revenir purement et simplement au monde païen qui le précéda. Mais ainsi, tout rentre dans l'ordre. La grande fête de la consommation ne constitue plus un déni à l'esprit de Noël, il est conforme au véritable esprit des célébrations qui est incontestablement païen ! Cela a, au moins, le mérite de la franchise. Le journaliste de mon bulletin municipal ne craint pas d'évoquer une véritable lutte entre catholiques et partisans du Père Noël qui, fort heureusement, est à l'avantage de ce dernier. Il rappelle qu'en 1951, l'effigie du bonhomme barbu fut brûlée sur le parvis de la cathédrale de Dijon : "Fort heureusement, l'incident n'eut pas de conséquences fâcheuses et le Père Noël est toujours là, bien vivant". Ce sympathique bonhomme "adoré et connu par les enfants du monde entier". Adoré !?
Faut-il s'en indigner ? Cet innocent bulletin municipal ne fait que s'inscrire dans le climat du temps qui est incontestablement néopaïen. Il est probable que ses responsables, en publiant un tel article, n'y ont même pas vu malice. Mais c'est bien là l'inquiétant. Que l'on puisse gommer subrepticement tout le message chrétien de Noël en donnant toute la place aux réjouissances païennes.
Ce n'est pas seulement argutie publicitaire. Plus subtilement, c'est un véritable choix culturel.Lévi-Strauss à l'appui, on assène que "nous sommes en présence, avec les rites de Noël, non pas seulement de vestiges historiques mais de formes de pensée et de conduite qui relèvent des conditions plus générales de la vie en société... En fait, depuis l'Antiquité jusqu'au Moyen Age, les fêtes de décembre offrent les mêmes caractères : décoration des édifices avec des plantes vertes, échange de cadeaux, gaîtés, festins."
Gérard Leclerc