A la maison, tous les soirs,
je me mets à mes devoirs
Je commence par mes devoirs citoyens,
Je recopie les pétitions citoyennes de la semaine
Et je les signe.
Puis je m'entraîne aux démarches citoyennes
Et aux prochaines manifestations citoyennes.
Toute l'école y va deux fois par trimestre,
On s'amuse bien. Le maître nous dit quoi crier,
Mais nous, on triche. On crie :
« Durand, salaud, le peuple aura ta peau », ou bien:
« Dupont, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue ».
Durand et Dupont, c'est des profs qu'on n'aime pas.
Le devoir de valeurs, c'est fastoche :
Tu réponds « valeurs républicaines»
Et t'as tout bon.
En sciences nat', pareil. Tu torches dix lignes sur
La bête immonde qui rôde toujours, et c'est gagné.
Pour le devoir de repentance,
Faut se mettre à genoux sur la moquette
Et demander pardon pour tout ce qu'on a fait
Ou pas fait, arrière-grands-pères compris.
Le plus dur c'est les devoirs de mémoire
A cause des dates.
y a des années où faut, des années où faut pas.
Pour 1940, c'est moitié-moitié.
La dernière fois, j'ai remonté jusqu'à Henri IV,
Total, j'ai eu zéro.
La prochaine fois, je m'en tiendrai
Aux heures les plus sombres
Et j'aurai dix-neuf.
p.c.c. FRANÇOIS LE CHAMPI.
in " Ils en font trop ! " , ouvrage collectif du Club des Ronchons, L’Age d’Homme, 1998 (déjà)