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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 09:51

« Car il n'est rien de caché qui ne doive être découvert. Rien de secret qui ne doive être mis au jour » Marc 4,22.

« Le département du diable. La Russie occulte d'Ivan le Terrible à nos jours » : le titre et le sous-titre du livre de Vladimir Fedorovski ( Ed Plon) auront sans doute fait beaucoup pour son succès en 1996, et cela malgré la discrétion des grands médias, notamment de la télévision.

Ceux-ci sont pourtant friands de révélations, et ce livre est une véritable révélation.

Révélation qui résulte d'une « plongée au coeur de l'âme russe, dominée par le goût de l'irrationnel, oscillant constamment entre Dieu et le diable ». « Le vide laissé par la destruction du système totalitaire, nous explique Fedorovski, a ramené la vraie Russie au premier plan. Pas celle d'avant 1917, non, celle du 17ème siècle, avec ses croyances, ses folies et ses fantasmes ».

Avec un réel talent d'évocation, l'auteur fait défiler des figures marquantes de l'histoire et de la culture russes. Serge de Radonège, « staretz » (ermite) du 14ème siècle, patron de la Russie; les « iourodivi » (fols en Christ); Ivan le Terrible; les faux tsars; Alexandre 1er; Tolstoï; Gogol; Madame Blavatski; et bien sûr Raspoutine.

Mais la partie la plus originale du livre concerne sans aucun doute notre 20ème siècle. Curieusement, il aura fallu que ce soit un ancien « apparatchik », diplomate à l'ambassade soviétique à Paris, un temps conseiller de Gorbatchev, qui nous révèle - en s'appuyant sur des archives et des témoignages inédits - le lien fort, existant entre «les forces occultes"et le communisme en Russie, du coup d'état bolchevique de 1917 à nos jours : « force est de constater le caractère ambigu des rapports entre la religion et les dirigeants communistes»  C'est le moins que l'on puisse dire.

Considérons en effet « La Trinité du Mal » (1) : Lénine, Trotski, Staline.

La seule mention du mot «religion » mettait Lénine en colère (2).

Quand, à l'âge de dix-sept ans, le jeune Vladimir Ilitch Oulianov assista à la pendaison de son frère aîné ayant participé à un attentat contre le Tsar, il arracha la croix qu'il portait autour du cou et la piétina. « La haine pour Dieu et les Romanov était entrée dans. son coeur pour ne plus en sortir  ». Parvenu au pouvoir, il organisa « l'épuration religieuse la plus impitoyable de tous les temps »".

Ne prenons qu'un exemple significatif concernant Trotski: quand il fut emprisonné en 1905, il dressa une liste des lectures qu'il souhaitait faire : la plupart étaient des livres ésotériques et d'occultisme et il n'y avait pour ainsi dire pas d'ouvrages marxistes.

Quant à Staline, succédant à Lénine, il instaura - au nom de la construction du socialisme- une idolâtrie sans précédent à son effigie. Lénine étant le dieu mort, momifié dans son mausolée de la Place Rouge, Staline devenait le dieu vivant. C'est à son initiative que fut créé au sein du NKVD, ancêtre du KGB, le 13ème Département, communément appelé le «  Département du diable  ». Celui-ci fut chargé de répertorier tous les ecclésiastiques, mais aussi les personnes dotées de pouvoirs paranormaux: sorciers, chamans, hypnotiseurs, devins,...Pour les arrêter et les déporter, mais aussi pour les utiliser. Ainsi, un certain Wolf Messing fut-il le voyant et l'hypnotiseur personnel de Staline. Ses talents furent jugés à leur juste valeur lors du pacte germano-soviétique (3). A la question: « que pensez vous du pacte qui vient d'être signé ?'" il répondit: « je vois des chars portant l'étoile rouge dans les rues de Berlin et la victoire pour l'URSS  », et précisa la date: le 8 mai 1945. On continua à le consulter...

L'intérêt du pouvoir pour les phénomènes parapsychologiques, qui peuvent être des armes de domination des esprits, ne se perdit pas avec la chute du Mur de Berlin.

Fedorovski évoque ainsi la personnalité d'Alexandre Korjakov, tout récemment élu à la Douma, qui est passé du statut de garde du corps de Boris Eltsine à celui de maître d'un véritable cabinet occulte contrôlant les activités du président. Et celle de Rogozine, général du KGB et hypnotiseur, qui dirige les études théoriques et des expériences dans des domaines aussi inattendus que la lecture des pensées à distance, la perception d'informations à travers « le pôle biologique de l'homme» ou les chakras. Bref, tout le bric-à-brac de l'envahissant « New-Age ».

Ceux qui ont lu « Pour qu'il règne » de Jean Ousset ne seront pas surpris par le lien mis en lumière par Fedorovski entre les pouvoirs soviétiques et russe et l'occultisme. Ils savent que la Révolution, quels que soient ses masques - libéralisme, socialisme, marxisme, nazisme, a pour inspirateur le Prince de ce monde, ce que l'anarchiste Proudhon résumait avec son sens de la formule : « Satan est le premier révolutionnaire ». Et ce n'est pas son adversaire Karl Marx qui l'aurait contredit: « Avec mépris, je jetterai mon gant à la faœ du monde et je verrai s'écrouler ce pygmée géant...Alors, pareil aux dieux, ivre de victoire, je cheminerai au milieu de ses mines et, donnant à mes paroles la force de l'action, je me sentirai l'égal du créateur» (4). Ce poème - dédié à sa fiancée ( ! )- était tout un programme, que Lénine et ses successeurs se sont appliqués à réaliser.

Les ruines au milieu desquelles Marx rêvait de cheminer, les ruines accumulées par soixante-dix ans de communisme et dix ans de désordre post-communisme ne sont pas seulement matérielles: elles sont aussi, elles sont d'abord dans les esprits et les coeurs.

Alors quel remède pour la Russie ? Et par conséquent, quel remède pour nous ?

Pour reprendre la formule de Lénine : que faire ?

Fedorovski propose la « démocratie » et les « droits de l'homme », mais on aimerait savoir ce qu'il met derrière ces mots usés à force de servir.

Plus solidement, il se montre conscient du fait que, pour sortir la Russie du communisme, «  il faudra tenir compte de son héritage culturel et historique ». Evoquant une rencontre avec le père Alexandre, qui l'emmène dans un cimetière, il se souvient de ses paroles: « N'oublie jamais la fraîcheur de ce paysage et fais en sorte que cette image ne se fige pas en toi, qu'elle ne devienne pas semblable à un tableau dans un musée. Notre pays a été construit par des générations successives d'hommes et de femmes; il est composé de vieilles pierres, d'églises, de palais. Les parfums des chemins d'antan et l'odeur des vieux papiers accompagnent le regard de nos ancêtres ».

Enfin, l'auteur s'interroge: « Comme celle du staretz (Serge de Radonège), la Russie d'aujourd'hui ne sait plus où elle va, à l'image du pauvre hère qui marchait sans espoir au coeur de la forêt. Le salut de la Russie actuelle pourrait-il venir, lui aussi, de la spiritualité, de la quête de l'absolu, et de la préservation de son identité ? ».

La réponse a été donnée à trois enfants. C'était en 1917 à Fatima: « Si l’on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l'on aura la paix ».

Philippe Vandewyls 

1. Titre d'un remarquable petit essai de Vladimir Volkoff, qui montre que le communisme est « justiciable, non de l'isoloir ou du bazooka, mais de l'exorcisme » (Ed. de Fallois, l'Age de l'Homme-1991) …

2. Parmi beaucoup d'autres aveux: « Toute idée religieuse, toute conception du bon Dieu, tout flirt même avec le bon Dieu est une abomination indicible » (Lettre à Gorki, 14 novembre 1913).

3. Cité dans « Clefs pour le marxisme » de Roger Garaudy, qui n'était pas devenu négationniste musulman ni même chrétien progressiste, mais était encore marxiste...orthodoxe.

Cet article est paru dans le numéro 341 de mai 1997 du mensuel « Permanences », 49, rue des Renaudes, 75017 PARIS. Tél: 01.47.63.77.86

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