Le débat autour du salaire des grands patrons me paraît bien emblématique de la manière consumériste de poser les problèmes économiques et sociaux d'aujourd'hui.
Eliminons l'éternel rêve d'une société sans classe prônée par le marxisme. Léon XIII, dans la première encyclique de doctrine sociale Rerum Novarum, à la fin du 19° siècle, avait déjà réfuté cette idée.
Mais sa réfutation ne repose pas sur un principe capitalistique du type "il faut des tables de riches pour que leurs miettes nourrissent les pauvres", mais sur le fait que la société naturelle est une société d'ordre et organique ; entendez que la société est, par analogie à la personne humaine, ordonnée en fonctions et activités différentes.
Cette nuance est fondamentale, car un corps est nourri selon ses besoins par le réseau sanguin. De même, les salaires doivent être dispensés selon les besoins, et non selon d'autres règles pernicieuses.
La première est celle du pouvoir, car n'ayons pas trop d'illusions : celui qui gouverne se sert et il se sert bien. Souvenez-vous de la gauche caviar ou de la retraite de nos élus à la chambre des députés.
La deuxième est celle de la rentabilité. Voyez nos traders et nos joueurs de foot, le premier joue avec un capital qui ne lui appartient, pas le deuxième est une marionnette de la publicité.
La troisième et la quatrième règle sont la responsabilité et la compétence ou le talent. Il me semble que, là aussi, la donne est faussée car responsabilité et compétence ne sont jamais exercées seules et s'intègrent.
En réalité, ce ne sont pas elles qui déterminent les salaires, nous l'avons vu à l'aune de la crise, mais le marché du travail qui les régule avec cet argument rabâché de limiter la fuite des cerveaux ou des managers.
Alors, au final, y a-t-il de bonnes règles ? Pour commencer, il faut distinguer la rémunération du travail de la personne et celui du capital. Il y a souvent confusion, confusion entretenue par la volonté de contourner les règles fiscales plus féroces parfois pour le capital que pour le salaire. De même, pour faire pied au débat Parisot / Sarkozy, le principe de subsidiarité ne peut interdire de limiter les excès par la contrainte de la réglementation : c'est le principe pour un corps de ses limites.
Au final, deux règles encadrent le juste salaire : s'inscrire dans des limites sociales, et surtout répondre aux besoins des personnes conformément à leur dignité.
Pour les limites, il y a une institution qui les gère bien c'est l'institution militaire. Les salaires sont structurés selon une échelle de 1 à 8, c'est-à-dire que le plus haut gradé ne touchera jamais plus de 8 fois le salaire du soldat.!
Pour la dignité, il est évident que la taille de la famille et le handicap sont - par exemple - des éléments qui devraient entrer dans le calcul du salaire. La recette entretenue par le consumériste individualiste "gagner plus, c'est consommer plus" va peut être changer, espérons le !
une chronique radio de Jean Soubrier
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