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25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 12:55

 

« L’idéal, vois-tu, ce serait de ne prêcher l’Evangile qu’aux enfants. Nous calculons trop, voilà le mal. Ainsi, nous ne pouvons pas faire autrement que d’enseigner l’esprit de pauvreté, mais ça, mon petit, vois-tu, ça c’est dur! Alors, on tâche de s’arranger plus ou moins. Et d’abord on commence par ne s’adresser qu’aux riches. Satanés riches! Ce sont des bonhommes très forts, très malins, et ils ont une diplomatie de premier choix, comme de juste. Lorsqu’un diplomate doit mettre sa signature au bas d’un traité qui lui déplaît, il en discute chaque clause. Un mot changé par-ci, une virgule déplacée par-là, tout finit par se tasser. Dame, cette fois, la chose en valait la peine: il s’agissait d’une malédiction, tu penses! Enfin, il y a malédiction et malédiction, paraît-il. En l’occurrence, on glisse dessus. « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’au riche d’entrer au royaume des cieux… » Note bien que je suis le premier à trouver le texte très dur et que je ne me refuse pas aux distinctions, ça ferait d’ailleurs trop de peine à la clientèle des jésuites. Admettons donc que le bon Dieu ait voulu parler des riches, vraiment riches, des riches qui ont l’esprit de richesse. Bon! Mais quand les diplomates suggèrent que le trou de l’aiguille était une des portes de Jérusalem – seulement un peu plus étroite – en sorte que pour y entrer dans le royaume, le riche ne risquait que de s’égratigner les mollets ou d’user sa belle tunique aux coudes, que veux-tu, ça m’embête ! Sur des sacs d’écus, Notre-Seigneur aurait écrit de sa main: « Danger de mort » comme fait l’administration des ponts et chaussées sur les pylônes de transformateurs électriques. »

Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne

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