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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 10:16

       Le thème de Bethsabée au bain a été abondamment traité par les peintres, et notamment par Rubens qui, comme beaucoup d’autres, y verra l’occasion de reproduire une scène galante, avec une Bethsabée ravissante, somptueusement parée, coquette et conquérante.

Tel ne sera pas le choix de Rembrandt , compatriote de Rubens, qui quelques années après lui, aura l’originalité de représenter l’une des rares Bethsabée nues... pour traiter de surcroît du désarroi pathétique dans lequel la plonge l’amour que lui porte le roi David. Le nu est du reste très rare dans la peinture de la Hollande, protestante et puritaine, de la seconde moitié du XVIIè siècle et la toile de Rembrandt y fera scandale.

Le thème est travaillé en gros plan avec une palette pratiquement monochrome. Ces deux procédés étant délibérément choisis par l’artiste pour à la fois porter et accroître l’intensité dramatique du sujet traité. Effet encore renforcé de nos jours car la toile a goudronné, faisant ainsi pratiquement disparaître le second plan, dans un ocre-brun très sombre virant au noir, où l’on ne distingue presque plus l’étagère du fond et assez mal le volume somptueux de l’étoffe or de la toilette entassée qui revêtait, quelques instants auparavant, Bethsabée.

Une lumière diffuse arrive par la gauche du tableau pour s’accrocher sur le grenat de la coiffe de la servante, modeler la poitrine et le ventre de Bethsabée qui nous fait pratiquement face et sculpter le drapé du linge blanc sur lequel elle est assise. Eléments lumineux discrets qui accroissent la réalité charnelle de ce nu. Rembrandt est ici au sommet de son art. Ce corps nu doré, nimbé d’une lumière qui semble émaner de lui, se dégage comme par magie de l’ombre qui l’entoure. L’épaisseur impressionnante de la matière picturale, qui se superpose ici en d’innombrables couches alternées de différentes couleurs et de vernis, accroche la lumière pour devenir diaphane et restituer la transparence de cette peau dorée qui révèle le relâchement naissant de la chair.

La beauté du clair-obscur flatte le corps d’Hendrickje Stoffels, servante et compagne de Rembrandt qui lui sert de modèle, pour en faire une évocation biblique de la beauté de la femme. L’alchimie du talent de l’artiste rend belle cette femme qui n’est pourtant pas jolie ! Surtout si on la considère avec les critères de la mode actuelle qui accorderaient aux formes de cette Bethsabée un xxl assassin ! Mais il n’est pas question ici de joliesse, laquelle ne considère que l’esthétique du dessin extérieur ; alors que la beauté résulte de la plénitude de l’être envisagé dans son entité. Virtuosité de Rembrandt qui est parvenu ici à peindre le corps d’une femme aimée dont la beauté transcende les imperfections et dont la chair s’illumine d’un rayonnement intérieur.

Mais si la somptuosité de la lumière et de la palette attire le regard du spectateur pour lui permettre d’envisager la beauté de cette Bethsabée, le recueillement et la gravité qui enveloppent cette scène retiennent son esprit et conduisent ses émotions.

Pensive, mélancolique, Bethsabée tient une lettre du roi David dans sa main droite qui, de toute évidence, la plonge dans une méditation profonde empreinte de tristesse. L’on peut s’interroger sur le contenu exact de la lettre ; le roi lui fait-il l’aveu de son amour ou lui apprend-il la mort d’Urie, général hittite, fidèle compagnon de David et époux de Bethsabée ? ...la suite ...


Cette huile sur toile de 142x142 cm date de 1654 et se trouve aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris.
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