Bien davantage qu’une banale transition politique, la post-démocratie est une rupture anthropologique. Elle apparaît dans notre quotidien, tant au niveau de la bioéthique, et de ses implications sociales, qu’à celui de la place de l’être humain dans l’économie de la nature et de la vie.
Un entretien avec Matthieu Baumier [1]
Permanences - Le mot démocratie est aujourd’hui devenu une sorte de critère de jugement moral porté sur les différents régimes politiques, lesquels seraient plus ou moins honorables selon qu’ils sont plus au moins démocratiques.
Matthieu Baumier - C’est à la fois vrai et très révélateur de notre attitude vis-à-vis de la démocratie. Car la démocratie au sens conceptuel de ce terme, celui d’un « pouvoir du peuple, pour et par le peuple », n’a jamais existé, n’a jamais eu d’incarnation concrète dans l’histoire, pas plus durant les années de la Révolution française que durant l’Antiquité grecque. En fait, nous fantasmions au sujet de la période athénienne en feignant de voir dans le siècle de Périclès une sorte d’idéal originaire. Nous oublions que le système athénien était fondé sur une organisation sociale que nous contesterions aujourd’hui : l’esclavage, l’exclusion d’une majorité de la population de la participation à la vie politique officielle, ce qui ne signifie pas une non participation absolue à la vie de la Cité. Nous nous sommes construit une image de la démocratie idéale dont nous considérons à tort Athènes comme l’inventeur ; ce qui ne nous empêche pas d’enseigner ce mythe aux enfants de l’école de la République.