Thibaud Collin, professeur de philosophie : "Les enfants au sein de couples homosexuels présenteront des blessures profondes"
Pour Thibaud Collin, professeur de philosophie en classes préparatoires à Paris, le mariage homosexuel accentuera la souffrance sociale des enfants, issus d'un projet parental au sein de couples homosexuels.
Pèlerin : Pourquoi avez-vous choisi de prendre part au débat sur le mariage homosexuel ?
Thibaud Collin : Comme philosophe, j'ai commencé à m'y intéresser dans les années 1990, au moment du débat sur le Pacs. Lors de la dernière élection présidentielle, je me suis senti, en conscience, appelé à écrire sur ce que signifierait concrètement un mariage civil entre personnes du même sexe.
Situé à la charnière entre la vie intime des personnes et la réalité politique et sociale, le mariage est une clé de nos sociétés. Si l'État se sent concerné, c'est bien parce que la procréation et l'éducation des futurs citoyens s'y jouent.
Quelles conséquences aurait le mariage homosexuel sur la famille, selon vous ?
Ce projet est porté par la revendication d'une égalité à établir entre personnes homosexuelles et personnes hétérosexuelles face à l'institution du mariage. Mais le problème essentiel, c'est qu'en prétendant résoudre cette inégalité, le mariage homosexuel génère une véritable injustice entre deux types d'enfants.
Les uns, nés de couples hétérosexuels, se verront reconnaître par l'État, via le mariage, leur filiation réelle. Les autres, issus d'un projet parental au sein de couples homosexuels déconnectés juridiquement de tout substrat naturel, seront alors privés d'un bien fondamental : vivre dans la continuité de leur origine biologique véritable. Comme toute injustice, celle-ci causera des blessures profondes et accentuera la souffrance sociale.
Le mariage civil aura-t-il alors encore un sens ?
Si la loi est votée, le mariage changera de nature profonde. Il ne sera plus une institution garante de la filiation mais un simple contrat entre individus. Cette institution a été ébranlée une première fois par le divorce, qui a marqué la fin de l'indissolubilité du lien. Bientôt, c'est la différence des sexes comme structurant l'union conjugale qui sera niée.
Pourquoi, demain, resterait-il monogame ? Pourquoi ne serait-il pas ouvert à trois, voire quatre personnes ? Rien ne l'empêchera ! L'État deviendra alors la simple chambre d'enregistrement des désirs d'individus. Cela sera une vraie rupture de civilisation. Et tout cela, nous dira- t-on, pour le bien de l'enfant...
Comme catholique, vous sentez-vous à l’aise avec la façon dont l’Église s’exprime sur le sujet ?
Se situer dans une démarche de prière, comme l'a proposé le cardinal André Vingt-Trois, m'a semblé une première étape importante, qu'il faut faire suivre d'une argumentation approfondie. Dans les mois qui viennent, les évêques n'ont pas d'autre choix, car ce qui se joue est sans doute la fin d'un compromis entre la République et l'Église.
Jusqu'ici, il avait abouti à une reconnaissance par l'Église du mariage civil et à l'acceptation de son antériorité chronologique sur le mariage religieux. Demain, si le mariage civil est vidé de sa substance, l'Église pourrait ne plus se sentir liée par lui. J'attendrai alors une parole forte des évêques pour manifester la gravité de cette rupture historique.
► Les lendemains du mariage gay. Vers la fin du mariage ? Quelle place pour les enfants , Éd. Salvator, 122 p. ; 15 €.