"A l'été 2004, l'archevêque de Marseille, qui était alors le cardinal Panafieu, a confié cette paroisse déclinante au père Michel-Marie, à l'époque vicaire au Sacré-Coeur du Prado, comme une mission de la dernière chance : « Je compte sur toi. Ouvre-moi le plus possible les grilles et les portes de cette église. »
Dès la rentrée, lors de son installation, le nouveau curé annonçait son plan : la messe serait dorénavant célébrée tous les jours, et non plus dans la crypte, mais en haut, dans la nef. L'église resterait ouverte douze heures par jour, sans interruption. Des volontaires étaient par ailleurs demandés pour un nettoyage général. Le dimanche suivant, l'assistance à la messe passait de 50 à 200 personnes, certains de ses anciens paroissiens ayant suivi le père Zanotti-Sorkine, et elle atteignait 500 personnes trois mois plus tard. Sébastien, un trentenaire qui n'avait rien d'une grenouille de bénitier, se souvient d'être entré par hasard et d'être tombé sur le curé qui lui a dit : « Viens avec moi, on va tout casser. » Cet artisan est resté et fait partie de la première équipe qui a aidé le père Michel-Marie à faire des Réformés une des paroisses les plus fréquentées de Marseille, où 800 fidèles se pressent lors des grandes fêtes religieuses.
Le dimanche, une demi-heure avant la messe, la moitié des rangs sont déjà occupés. Au fur et à mesure, en dépit des chaises qu'on ajoute, des dizaines de personnes restent debout. La foule, attentive et recueillie, représente toutes les générations, tous les milieux, et toutes les origines.
Qu'est-ce qui attire ces gens ici ? D'abord le style des célébrations. Processions solennelles, enfants de choeur à la tenue impeccable, encens, grandes orgues, latin pour les prières principales, chants choisis. Perfectionniste, le curé veille aux moindres détails. « C'est par la beauté qu'on conduit à Dieu, se justifie-t-il. Au siècle de l'image, il faut donner du beau à voir dans les églises. La richesse de la liturgie plaît aux plus pauvres, précisément parce qu'elle les sort de leur quotidien. » Les fidèles, ensuite, ne cachent pas que la qualité des sermons du père Zanotti-Sorkine compte beaucoup dans leur assiduité aux Réformés. Rien n'est le fruit du hasard : le prêtre, de son propre aveu, consacre de longues heures à leur préparation.
Dans la journée, l'église Saint-Vincent-de-Paul est un lieu voué au silence. Adoration du Saint-Sacrement, chapelet, confessions : les vieilles pratiques catholiques sont ici à l'honneur. « Cela transforme notre existence, témoigne une paroissienne. Au fil des mois, des années, on organise sa vie pour pouvoir se ressourcer aux Réformés. » [...] A 8 heures, il ouvre son église et confesse déjà. A 17 heures, il recommence à confesser. Et à 20 heures, après la messe du soir, l'Adoration et le chapelet, il reçoit sans rendez-vous, exercice qui se prolonge parfois jusqu'à 22 ou 23 heures.
[...] Impossible d'ignorer son état : Michel-Marie Zanotti-Sorkineporte la soutane. « C'est ma blouse de travail, sourit-il. Quand je suis arrivé, le patron du bar d'en face m'a demandé de baptiser son enfant : mon habit lui a immédiatement appris qui je suis.L'anachronisme de la soutane, contrairement à un préjugé, est un atout, car elle marque la différence. Or le prêtre doit être reconnu. Chacun, chrétien ou pas, a le droit de voir un prêtre en dehors de l'église. »"