Pour se comprendre, la condition première est d'employer les mots dans le même sens. Keyserling cite quelque part Lao-Tseu qui dit à son empereur : "La première condition pour que l'ordre règne est la juste définition des choses. Quand les mots ne s'adaptent pas aux choses désignées, le peuple ne sait plus où mettre les pieds et c'est le désordre. " Je cite le sens, non la lettre dont je ne me souviens pas. (...) L'opinion se nourrit d'impressions, toujours détruites et renouvelées au vent des événements, et ne trouve une certaine stabilité que dans la magie verbale, dans le formalisme verbal d'autant plus efficace qu'il utilise des mots inconsistants, dépourvus de signification précise, comme démocratie, liberté, égalité, fascisme, république, état, classe, etc. Tout un vocabulaire passe-partout que les démagogues utilisent en maîtres, des mots chargés d'affectivité explosive, le seul moteur des foules. A la tête des foules, un âne suffit.
Jean Coulonval, "Synthèse et Temps nouveaux", 1979, Lille
Ô, Liberté ! Que de crimes on commet en ton nom !
Madame ROLAND, personnalité de la Révolution française ; elle fut guillotinée
Nous ne parlons pas pour dire quelque chose, mais pour produire un certain effet.
attribué à Joseph GOEBBELS, ministre de la Propagande du IIIe Reich .
Pour avoir découvert le monde à travers le langage, je pris longtemps le langage pour le monde.
Jean-Paul SARTRE, "Les mots", 1964
Ne jetons plus aux foules des termes dont on ne leur explique point le sens théologique et vrai. Ils ne cessent d'engendrer les idées qui tiennent les masses en ébullition et les arrachent au devoir de la vie.
BLANC DE SAINT-BONNET, "La Légitimité"
Parler improprement, ce n'est pas seulement une faute envers les choses, mais c'est aussi un mal que l'on fait aux autres.
SOCRATE, "Phédon"
On doit discourir des choses et non des mots. La plupart des contrariétés viennent de ne pas s'entendre et d'envelopper dans un même mot des choses opposées.
MOLIERE, Préface de "Tartuffe"
La politique est un lieu d'élection pour la magie, car les mots y ont une existence en soi et un pouvoir incantatoire. L'un des grands bonheurs de la démocratie est que l'on peut à peu près tout payer avec des mots (...) Il est bizarre qu'aucun sociologue n'ait remarqué et abondamment consigné dans un ouvrage indigeste, que nous vivions dans l'âge de l'euphémisme.
Les pauvres sont devenus des économiquement faibles, les paysans des ruraux, la fille mère une mère célibataire, les vieillards des personnes âgées, le concierge un gardien, les bonnes des demoiselles de maison ou des aides familiales, etc.
Jean DUTOURD, "L'école des jocrisses", 1970
vu sur le blog de la guerre des mots
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