Historiographie et légende
La Forteresse de la Bastille. Le peuple avait imaginé que la Bastille renfermait beaucoup de victimes de l’arbitraire. On dut se rendre à l’évidence lors de sa chute, le 14 juillet 1789 : elle ne comptait que sept prisonniers : quatre faussaires, dont le procès était en cours d'instruction ; deux fous, Auguste Tavernier et de White ; un noble, criminel, enfermé à la demande de sa famille, le comte de Solages2. Les autres prisonniers, comme le marquis de Sade, avaient été transférés ailleurs peu avant.
Après la prise de la Bastille, des auteurs inventèrent de toutes pièces des supplices qu'auraient subis les détenus. Une vieille armure, et une imprimerie, furent présentées comme des instruments de torture. On retrouva des squelettes dans le remblai d'un bastion, et on prétendit qu'il s'agissait de ceux des victimes de la tyrannie. La légende raconte aussi que les révolutionnaires auraient trouvés le squelette du célèbre "Homme au masque de fer". « Quasi vide sans doute, mais surchargée : surchargée de la longue histoire entretenue entre la monarchie et sa justice3 ». L’imagerie révolutionnaire, notamment par des gravures, a largement contribué à entretenir le mythe d’une Bastille abritant des cachots où pourrissaient les victimes de la monarchie. En fait, la Bastille avait perdu pour partie sa fonction de prison d’État qu'elle avait gardée pendant les siècles de la monarchie absolue, où furent emprisonnés sans jugement les adversaires ou désignés comme tel du monarque ou d'autres grands personnages. La Bastille était le symbole de la tyrannie monarchique. Elle était aussi la forteresse dominant Paris, en particulier le populaire faubourg Saint-Antoine, et dont l'ombre rappelait l'usage que pouvait en faire le pouvoir en période de troubles.
La Bastille fut ensuite démolie sous la direction de l'entrepreneur Palloy. Celui-ci monta un commerce annexe en transformant les chaînes de la Bastille en médailles patriotiques et en vendant des bagues serties d'une pierre de l'ancienne forteresse4.
L’importance de la prise de la Bastille a été exaltée par les historiens romantiques, comme Jules Michelet, qui en ont fait un symbole fondateur de la République. Celle-ci n’était défendue que par une poignée d’hommes, mais qui firent près de cent morts parmi les assiégeants. Il y en eut six parmi les assiégés, dont le gouverneur M. de Launay.
Dès le 16 juillet, le duc de Dorset, ambassadeur d’Angleterre et familier du comte d’Artois, écrivait au Foreign Office : « Ainsi, mylord, s’est accomplie la plus grande révolution dont l’Histoire ait conservé le souvenir, et, relativement parlant, si l’on considère l’importance des résultats, elle n’a coûté que bien peu de sang. De ce moment, nous pouvons considérer la France comme un pays libre5. »
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