Jean Anouilh a 100 ans aujourd’hui.
Ou, plutôt, il aurait eu 100 ans s’il ne nous avait pas « quitté » en 1987.
Ce qui ne nous a pas quitté, c’est son théâtre, qui continue à être joué pour un public de fidèles qui ne se contentent pas de courir voir les pièces médiatisées avec l’argent du contribuable - le nôtre - par la déesse aux cent bouches.
Pour Anouilh, le théâtre est d’abord… un métier : « je suis un ouvrier de théâtre ». « Mon père était coupeur-tailleur. C’était un homme fin et simple, et qui connaissait merveilleusement son métier. Il en avait les fiertés et les exigences. (…) Faire oublier pendant trois heures leur condition aux hommes, et la mort, c’est un bon métier, et utile : pas besoin de s’engager davantage ».
On l’a de façon un peu facile présenté comme le Molière du XXe siècle. A propos du « saint patron », il écrit : « Grâce à Molière, le vrai théâtre français est le seul où on ne dise pas la messe ». Car Anouilh n’aime pas le théâtre «des chanoines du T.N.P. (Théâtre National Populaire) et des Maisons de la Culture ».
« Dans dix ans - écrit-il en 1962 - on redécouvrira l’amour - ce vieux ressort humain qui a résisté déjà à quelques civilisations, comme un thème valable et susceptible d’infiniment plus de variations que la constatation uniforme de l’absurdité de la condition humaine (dont les bons esprits de l’Antiquité se doutaient déjà) ». Ailleurs : « Ce sont les psychanalysés de maintenant qui sont clairs comme de l’eau de roche à force de s’expliquer. Nos classiques gardaient les clefs de leurs abîmes ».
Anouilh évoquera à plusieurs reprises dans ses articles les relations théâtre-Eglise, pour justifier l’excommunication des comédiens et dire qu’archevêque, il aurait interdit Tartuffe… Mais est-il sérieux ?
Il se dit « mauvais catholique, mais catholique ». Le futur Jean XXIII, sortant du film« Monsieur Vincent », dira à Pierre Fresnay qui joue Vincent de Paul : «Après ce qu’a fait M.Anouilh, il ne peut plus être damné».
Drôle et parfois cynique, sans illusion sur la nature humaine et nostalgique de l’enfance, peu soucieux de plaire mais soucieux quand même de remplir sa salle : tel était Jean Anouilh.
« C’est merveilleux de découvrir jusqu’au bout de nouveaux secrets et on sait qu’on mourra gamin. Il y a peu de métiers qui donnent une telle plénitude à la vie ».
Le théâtre, « une baraque chaude où l’on venait jouer à faire semblant, comme lorsqu’on était petit ».
PhV