Vient de paraître "Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne" du philosophe Michel Onfray. Plusieurs ouvrages critiques de Freud et de sa psychanalyse sont - enfin - parus depuis quelques années.
Mais sont-ils allés au fond des choses ? ...
Retour sur un livre paru en 1964, "Freud et la tradition mystique juive" de David Bakan...
David Bakan a entrepris de nous révéler certains conflits intimes de Freud liés à sa condition de juif libéral et incroyant, inconsciemment attaché à la foi de ses ancêtres, mais ayant trouvé, probablement à son insu, dans la tradition mystique juive, à la fois un encouragement à secouer le joug de la Loi mosaïque et l'inspiration de certaines de ses découvertes.
Pour être jugé correctement, le développement de la psychanalyse doit donc être étudié dans le cadre de l'histoire du judaïsme et particulièrement celle de la pensée mystique juive. (présentation du livre)
Extraits ...
- Comme nous pouvons nous y attendre, le Diable a aussi son rôle à jouer dans l'oeuvre de Freud. Le Diable est une image extrêmement complexe; c'est une figure légendaire du christianisme qui peut satisfaire les tendances sabbataïques à l'apostasie. Quand Satan apparaît, dans la légende juive, c'est presque toujours pour induire le juif en tentation d'apostasie. Le Diable s'oppose aux traits mosaïques que le christianisme a fait siens. Freud fit un jour cette remarque à ses collègues: "Savez-vous que je suis le Démon? Toute ma vie, j'ai joué le rôle du Démon afin que les autres puissent construire, avec les matériaux que j'amènerai, la plus belle des cathédrales." ( p.151 )
- Dans cette partie de notre travail, nous essaierons de montrer comment et dans quel sens, l'ouvrage capital de Freud, la Science des Rêves, était associé avec l'idée d'un Pacte satanique. Il n'est absolument pas douteux que cet ouvrage de Freud représente la plus profonde pénétration dans le mode de pensée psychanalytique.
Sous le titre du livre, on peut lire l'épigraphe suivant: Fléctere si nequeo superos, Acheronta movebo (" Si les dieux ne se laissent pas fléchir, je remuerai tout l'enfer").
Cette citation est tirée de l'Enéide de Virgile, et le passage où elle figure est encore plus éloquent :
« Eh bien! si ma puissance n'est pas assez grande, je n'hésiterais pas, j'en suis certain, à demander une aide où je puisse la trouver. Si les dieux ne se laissent pas fléchir je remuerai tout l'enfer." (p.170)
- Si Moïse était le sur-moi le Diable était nécessairement l'allié de Freud dans son combat contre Moïse (...) Cette introduction de l'idée du Diable dans cet exposé complète : Le grand drame qui se jouait dans l'esprit de Freud lorsqu'il était en train d'enfanter la psychanalyse, un drame dans lequel s'associaient la fatalité de la tradition grecque et la lutte morale de la tradition juive. p. 172 )
- Le 4 décembre 1896, il (Freud) écrit à Fliess: " Je ne te révélerai d'abord de mes travaux que des épigraphes préliminaires ", il cite alors le " Flectere..." et les deux autres citations qui sont: Ils dépassent toutes les bornes, je crains un effondrement, Dieu ne présente pas ses comptes à la fin de chaque semaine." ( ... )
Le 3 janvier, il écrit, en veine de confidence : " Quand je me sens ainsi rassuré, je suis prêt à défier tous les diables de l'enfer..." et, plus loin, dans la même lettre: " le chapitre sur la "Sexualité" sera précédé de la phrase suivante: " A partir du ciel, à travers le monde, jusqu'à l'enfer" - si toutefois cette citation est exacte." (p.180)
- Il écrit d'abord au sujet de Fliess, puis de lui-même: "Lorsque ton ouvrage paraîtra, nul d'entre nous ne sera capable de porter sur son exactitude un jugement qui reste réservé à la postérité, comme chaque fois qu'il s'agit d'une grande découverte; mais la beauté de la conception, l'originalité des idées, la simplicité des raisonnements et la conviction de l'auteur, créeront une impression qui sera un premier dédommagement de toute la lutte pénible menée contre le démon...Aucun critique n'est mieux que moi capable de saisir clairement la disproportion qui existe entre les problèmes et la solution que je leur donne et, pour ma juste punition, aucune des régions psychiques inexplorées où, le premier parmi les mortels, j'ai pénétré, ne portera mon nom ou ne se soumettra à mes lois. Quand, au cours de la lutte, je me suis vu menacé de perdre le souffle, j'ai prié l'ange de renoncer, ce qu'il a fait depuis. Mais je n'ai pas eu le dessus et, depuis, je vais cahin-caha.-(...) ".
[*Cf.Le Faust de Goethe, sur le diable boiteux; et aussi la claudication de Jacob après sa lutté avec l'ange (...)) ( p.184 )
- Environ deux mois plus tard, il montre qu'il veut se défendre. Il imagine une plaque de marbre sur la maison où : " le Secret des Rêves fut révélé au Dr Sigmund Freud ", et il dit: L'opinion des gens sur le livre des rêves commence à me laisser complètement froid, mais je déplore son destin. Les gouttes n'ont visiblement pas réussi à amollir les pierres...". C’est alors que Freud nous fournit une des images les plus claires de la période qu'il traverse: Tout est flottant, vague, un enfer intellectuel, des couches superposées, et dans ce tréfonds ténébreux se distingue la silhouette de Lucifer-Amor." ( p.185 ).
Tout un programme .