A l’occasion de la rentrée scolaire, les nouveaux manuels scolaires que les éditeurs envoient aux établissements pour répondre à la réforme des programmes scolaires sont analysés par les enseignants. Nombreux y relèvent une baisse généralisée du niveau d'exigence . Le pire étant en histoire-géographie. La plupart des nouveaux manuels font quasiment l'impasse sur les belles pages de l'histoire de France, pour s'étendre des chapitres durant en culpabilisation mémorielle. Une exception : le Nouveau Manuel d'Histoire (cycle 5e - 4e - 3e) publié par La Martinière, et coordonné par l'historien Dimitri Casali, Ce manuel d'histoire présente une approche chronologique, qui tient compte du programme, mais qui complète aussi ses lacunes. Voici la belle préface qu’a donnée à cet ouvrage l’ancien ministre de l'éducation, Jean-Pierre Chevènement.
EVR
Tout peuple, pour exercer sa souveraineté, doit avoir conscience de lui-même et par conséquent de son Histoire. A cette condition seulement, le Peuple existe comme «demos», c'est-à-dire comme corpus de citoyens capables de définir ensemble un intérêt général.
C'est pourquoi le récit national est une part importante et même décisive de la conscience civique. C'est le mérite de M. Dimitri Casali et des professeurs d'Histoire qu'il a réunis autour de lui d'avoir su élaborer ce manuel de manière vivante, en s'appuyant sur la chronologie et quelques grands personnages propres à frapper l'imagination des élèves, tant il est vrai que pour enseigner l'Histoire. il faut raconter des histoires (mais des histoires vraies!).
Si j'ai employé l'expression «récit national», c'est évidemment à dessein : un récit se doit d'être objectif et de restituer l'Histoire, avec ses lumières, mais aussi avec ses ombres. Je distingue donc clairement le «récit national» du «roman national» : la France n'a pas besoin de «romancer» son Histoire. Celle-ci comporte des taches. Ainsi la conquête de l'Algérie s'est faite avec des violences inacceptables : les soldats de Bugeaud ont utilisé contre les Algériens les méthodes qu'ils avaient apprises dans les guerres que les armées napoléoniennes avaient livrées en Espagne, en 1812-1814, contre les insurgés, levés à l'appel de l'Église. Mais si je partage le point de vue de Clemenceau sur la colonisation (il contestait qu'il y eût des civilisations supérieures à d'autres), je ne pense pas que la France occupe, au podium des horreurs du colonialisme, la première place. Le livre de Dimitri Casali rappelle utilement l'œuvre de Savorgnan de Brazza au Congo.
La France n'a pas commis de génocide (je ne ferai pas la liste des peuples génocidaires). Je préfère donc au concept de repentance, celui de «conscience». Lui seul me parait de nature à rompre avec les surenchères d'humiliations, de violences, de ressentiments et de haines qui menacent aujourd'hui l'Humanité. L'Histoire de France est une belle et grande Histoire, celle d'un peuple qui, comme l'a montré Michelet, a, le premier en Europe, proclamé les «Droits de l'Homme et du Citoyen» de 1789. L'inspiration de la «Grande Révolution» a façonné et façonne encore l'Histoire du monde. II n'y a donc pas lieu de revisiter l'Histoire de France, même à la lumière d'un XXe siècle particulièrement éprouvant. J'aimerais en particulier qu'on montre davantage que l'effondrement de mai-juin 1940, avant d'être militaire, a été d'abord un effondrement politique : celui d'élites déboussolées qui ne savaient plus quelle guerre elles devaient faire. Et peut-être aussi pourrait-on mentionner Stalingrad, avant et avec le débarquement du 6 juin 1944...
Pour éviter demain les «chocs de civilisations dont parlait l'historien américain Huntington, il faut aussi connaître l'Histoire des autres : ainsi Charlemagne, qui s'efforçait vers l'an 800 de relever l'Empire romain effondré trois siècles plus tôt, échangeait-il des cadeaux avec Haroun al-Rachid, le calife de Bagdad dont la magnificence des présents témoignait de la splendeur de la civilisation arabe à cette époque.
On ne peut pas faire d'emblée de l'histoire comparative. C'est le grand mérite du livre de M. Casali et de son équipe d'avoir centré ce manuel destiné aux classes du cycle 4 (5', 4', 3') sur l'Histoire de la France. Il faut d'abord se connaître soi-même avant de prendre la distance qui permet de s'ouvrir aux autres.
Le mérite de ce livre est d'offrir une documentation diversifiée propre à nourrir un débat équilibré et serein sur tant de questions qui font aujourd'hui polémique alors qu'elles mériteraient d'être traitées avec recul et hauteur de vue. Un bon manuel d'Histoire est celui qui fait découvrir les continuités au-delà des ruptures, sans occulter le sens de ces dernières.
Je souhaite que celui-ci remplisse pleinement ce rôle fédérateur et fasse apparaitre quelle somme d'efforts, de combats, de souffrances ont été nécessaires pour « faire France». Car cette tâche est plus que jamais nécessaire, dans le temps d'épreuves qui est devant nous.

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