à propos de la Charte, à lire ou à relire , un texte toujours actuel de 1995...
Le miracle de l'enseignement ordinaire
Nous voyons souvent dans l'Evangile les Juifs demander au Seigneur un signe extraordinaire qui leur révèlera qu'Il est le Christ. Il leur répond que le signe, c'est Lui-même, c'est-à-dire sa Parole, son enseignement.
Ce qui arrivait à Jésus-Christ sur les routes de la Judée, arrive aujourd'hui à Son Eglise dont beaucoup de fidèles jouent le rôle que les Juifs tenaient il y a deux mille ans.
On demande à l'Eglise du merveilleux, de l'extraordinaire, du sensationnel, du médiatique, des visions, des révélations...
On demande un miracle... et peut-être beaucoup de miracles.
Et on ne voit pas la divinité de ce qu'elle donne ordinairement.
Qui a parlé, dans la presse dite catholique, dans les écoles qui portent le même nom, dans les médias et dans les églises, de la Charte des professions de la santé, que vient de publier, sous la responsabilité du Cardinal Angelini, le Conseil Pastoral pour la Santé ?
Un texte de plus, dira-t-on.
Oui, un texte de plus... qui est un trésor de plus.
La santé, aujourd'hui, est devenue, en raison d'un matérialisme envahissant, une véritable obsession. Le mot de Knock, la définissant comme un "état transitoire qui ne présage rien de bon ", ne résonne plus comme une plaisanterie mais comme une angoisse. Angoisse devant la vie, devant la maladie, devant les soins, devant le monde médical, devant la souffrance... et le soulagement de la souffrance, devant la déshumanisation des hôpitaux, devant les derniers moments, devant l'agonie, devant la mort.
Qui nous dira, pour ces choses qui nous concernent tous, personnellement ou chez nos proches, qui sont le fond de la conversation des transports en commun et des bureaux, des bistrots et des salons, des villes et des villages, et maintenant - hélas ! - des jeunes autant que des vieux, qui nous dira non seulement des principes généraux mais, concrètement, ce qu'il faut faire et ne pas faire ? Qui nous apprendra à vivre, et donc à savoir souffrir, soigner, soulager la souffrance, mourir et accompagner le mourant ?
Qui nous rendra homme quand notre humanité est menacée ?
Ce document - la Charte des professions de la Santé - un de plus ! - apporte toutes les réponses, pratiques, concrètes, immédiates. Sa lecture est aisée, son plan est simple, ses rubriques claires. C'est un manuel.
C'est un manuel de l'Evangélisation de la maladie, de la souffrance et de la mort et, donc, d'un même mouvement, c'est un manuel de l'humanisation de la médecine, des soins, de la vie du malade et de ceux qui l'entourent.
Ne serait-on ni catholique, ni chrétien, mais simplement attaché à l'honneur de l'espèce humaine, civilisée, qu'on applaudirait à tout rompre, à la publication de cette Charte ! Tout Etat digne de ce nom, tout législateur ayant au cœur le souci du caractère humain des lois de son pays devrait en faire le préambule du Code de la Santé Publique.
A ceux qui s'interrogent gravement, coupent en quatre des cheveux déjà rares, pour savoir s'il faut ou non défendre le concept de l'Etat chrétien et ce que signifient ces mots, il convient de répondre simplement que tout Etat soucieux du bien des citoyens dont il a la charge et qui,
dans ce domaine si difficile, cherche une législation digne de l'homme, trouve ici sa référence sûre... et que, donc, tout Etat respectueux de la personne humaine devient, par là-même, au moins implicitement chrétien.
L'Eglise. est "experte en humanité" disait le Pape Paul VI. En voici une preuve concrète, écrasante - qui d'autre, dans les soi-disant autorités morales, a publié un tel guide pratique, charitable, humain, apaisant, éclairant ?
Qui, sur les ténèbres de ces sujets dans lesquelles bute l'humanité depuis le péché originel : pourquoi souffrir ? faut-il souffrir ? pourquoi naître ? pourquoi vivre ? pourquoi mourir et comment naître, vivre et mourir ?, qui a publié aussi clair, aussi simple, accessible à tous ?
Cherchez... dans les loges et les synagogues, les mosquées et les facultés, cherchez dans les institutions et les syndicats... cherchez dans la presse, à la radio et à la télévision... Dieu sait qu'on en parle, de la santé, de la maladie, de la souffrance et de la mort. Seule l'Eglise a donné un tel enseignement.
Et cet enseignement est ordinaire, sans éclat particulier. C'est le rappel de ce qu'elle a toujours enseigné, mais appliqué aux questions nouvelles créées par le développement de la science et des techniques et, aussi, par notre sensibilité moderne.
Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II, surtout, avaient beaucoup écrit sur ces sujets. Cette Charte ordonne, résume, présente, en ordre pratique, leur enseignement commun. Et l'homme simple, croyant ou non, ayant en main le texte de cet enseignement, est éclairé, rassuré, réchauffé. Au sens propre du mot, il est évangélisé, puis qu’il vient de recevoir la lumière de la Bonne Nouvelle.
Ainsi procède l'Eglise. Disons-le clairement: il y a plus dans cette humble charte que dans des milliers de manifestations extraordinaires ou guérisons soi-disant miraculeuses. On raconte que lorsqu'on opposait au Pape Jean XXII, qui souhaitait la canonisation de Saint Thomas d'Aquin, qu'il n'y avait pas eu, au crédit du Docteur commun, le nombre de miracles suffisants pour le déclarer saint, le Pape répondit souverainement que chaque argument de Thomas d'Aquin était, à lui seul, un miracle.
La boutade va loin : "Ce qui m'étonne, disait Maurras, ce n'est pas le désordre, mais l'ordre". Ce qui est admirable dans l'Eglise, ce n'est pas seulement le merveilleux de certains êtres extraordinaires, c'est la beauté de son enseignement ordinaire.
Chez nous, catholiques ordinaires, laïcs humblement rivés à l'occupation de nos devoirs d'état temporels, dans ce "49, rue Des Renaudes", où se renouvellent chaque jour nos efforts de chrétiens du rang, cette charte est en dépôt. A la disposition de tous. Je crois bien que c'est le seul endroit en France.
Jacques Tremolet de Villers, Permanences , mars 1995