Mille kilomètres de désert hostile entre la mine de Taoudeni et Tombouctou, cinquante chameaux chargés de barres de sel, quatre convoyeurs touaregs et une jeune Française, Blanche de Richement. Au bivouac, pour allumer le feu, elle ramasse les crottes des bêtes. Que fait-elle là, au sein de cette méharée qui s'obstine entre deux mondes ? À son retour, elle écrira : «Avec les camions et les années qui passent, les caravanes vont s'éclipser tout doucement. Elles seront absorbées par le vide d'une époque où la vitesse impose sa loi. Alors le sel gemme n'aura plus le goût du silence des longues marches à travers les sables. » Cette dernière phrase est magnifique, le regret poignant de ce qui ne sera plus, l'adieu à ceux qui s'en vont. C'est pour nous dire cela qu'elle a marché, qu'elle a souffert.
Seule avec les nomades du sel fait partie des douze récits qui composent Carnets d'aventure, publié à l'initiative de la Guilde européenne du raid. Sylvain Tesson, dans sa préface, affirme qu'une aventure vécue n'est pas véritablement achevée tant qu'elle n'a pas été écrite, qu'il faut pour cela, même recru de fatigue, prendre des notes chaque soir, et que de tous ces mots, ensuite, devra surgir la transcendance sans laquelle un livre de voyage est raté. C'est l'école tessonnienne. La jeune littérature d'aventure en avait rudement besoin.
Jean Raspail