On entend pourtant dire que l’embryon et le fœtus humains ne sont pas des personnes et qu’ils ne sont donc pas sujets de droits. Ainsi ne devrait-on pas le même respect à l’être humain in utero qu’à l’être humain né, auquel seul serait conférée une dignité. Ce débat est un faux débat, dont il convient d’expliciter les termes (cf. L’embryon en question). En effet, l’argument se fonde sur le statut juridique de l’embryon en France. L’INSEE définit en ces termes la personne humaine : « Au sens du droit français, une personne physique est un être humain doté, en tant que tel, de la personnalité juridique. Pour jouir directement et pleinement de sa capacité (ou personnalité) juridique, une personne physique doit être majeure (sauf en cas d’émancipation avant l’âge de la majorité) et ne pas être en incapacité partielle ou totale (mise en tutelle ou curatelle) ; sinon cette capacité est exercée en son nom par un représentant légal.
La personnalité juridique consiste à être titulaire de droits et d’obligations, à être sujet de droits. La personnalité juridique s’acquiert à la naissance et se perd avec le décès. Au sens de la loi, l’embryon ou le fœtus, qui ne sont pas encore nés, ne sont donc pas des personnes au sens de la personnalité juridique. Pourtant, la loi tente de le protéger (notamment dans le cadre de la recherche sur l’embryon) insinuant qu’il n’est pas une cellule comme les autres. Mais pourquoi encadrer voire sanctionner les manipulations touchant à l’embryon si celui-ci n’a aucune personnalité juridique ? Selon le rapport explicatif, cette Convention « a pour but de garantir (…) la dignité et l’identité de l’être humain » Dans son préambule, il est écrit que : « l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine ». Un embryon ou un fœtus ne peuvent donc être victimes d’un homicide involontaire 15 Rappelons ici encore que la loi Veil dans son article 1er « garantit le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie »
Le débat porte ici sur la personnalité juridique de l’embryon et non sur sa valeur intrinsèque. En effet, la personnalité juridique n’est qu’un statut, accordé et défini par la société. Il s’agit d’une convention qui n’est pas équivalente à la dignité inhérente à l’être humain. Il convient donc bien de distinguer ce qui relève d’un statut, déterminé par la société et dépendant d’une organisation sociale particulière ; et ce qui s’attache à la nature même de l’homme, ce qui fait sa valeur, ce qui lui est dû de manière universelle en raison de ce qu’il est. Un exemple permet de bien mettre en valeur cette distinction : dans les différentes sociétés où l’esclavage était autorisé, les esclaves n’étaient pas reconnus comme des personnes humaines et étaient dotés d’un statut juridique inférieur ne leur reconnaissant aucun droit ; étaient-ils pour autant, en eux-mêmes, des hommes moins dignes de respect ? Cette infériorité de valeur était-elle réelle ou décidée arbitrairement par la société ? De la même manière, est-ce parce que l’embryon, ou le fœtus, ne possèdent pas le statut de personne qu’ils ne sont pas dignes de respect, comme tous les autres membres de la famille humaine ? La question n’est donc pas tant de savoir si l’embryon est ou non une personne que de se demander s’il est légitime, pour le droit, d’accorder une valeur différente aux êtres humains en raison de qualités, physiques ou intellectuelles (handicap, étape de développement, etc.) . L’Histoire est pleine de pages sombres où le législateur a voulu établir une hiérarchie entre les êtres humains sur la base de telles ou telles caractéristiques : esclavage, racisme, promotion de la race aryenne, etc. La mémoire de ces épisodes exige de nous une plus grande prudence et un plus grand respect de tout être humain. Certes l’embryon reste bien mystérieux : pour lui, être humain vulnérable au tout premier stade de son existence, plus que pour tout autre, le principe de précaution doit être appliqué si l’on ne veut détruire dans l’œuf notre sens de l’humanité. D’ailleurs l’embryon et le fœtus, qui, dans certains cas, ne sont pas des personnes juridiques (cf. Une dépénalisation jurisprudentielle : l’enfant à naître ne peut jamais être victime d’un homicide), peuvent pourtant par exemple hériter en cas de décès du père durant la grossesse (voir Code des assurances, article L.132-8).
La dignité de l’embryon dépend-elle du « projet parental » ?
On a vu apparaître ces dernières années un autre argument d’après lequel l’embryon, dépendant de ses parents pour sa conception, ne peut être tenu pour respectable que lorsqu’il fait l’objet d’un « projet parental », c’est-à-dire uniquement si ses parents désirent sa naissance. Élaboré pour souligner les dimensions non biologiques du fait de devenir parent (dans le cas d’une adoption par exemple), le concept de « demande parental » (loi de bioéthique de 1994) qui a évolué en « projet parental » (loi de bioéthique de 2004) a été introduit dans les lois de bioéthique françaises, sans être défini, pour légitimer toute utilisation de l’embryon, notamment dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP) ou de la recherche sur l’embryon. Dans le contexte du recours à l’avortement, il est invoqué pour légitimer certaines IVG au motif que la grossesse n’est pas désirée. Il pose pourtant de graves questions éthiques car il introduit un relativisme radical dans la détermination de la dignité humaine. Avec ce concept, on oublie en effet qu’au-delà du « projet parental », il y a une réalité, un être humain, dont l’existence ne dépend pas de la reconnaissance que veulent bien lui accorder les parents. Faire reposer la dignité de l’être humain non plus sur son existence effective mais sur le projet des parents, c’est affirmer que la dignité n’est pas inhérente à l’être humain mais qu’elle dépend de la volonté, des projets, du regard que les autres portent sur cet être. Mais alors comment justifier le fait que, suspendue à un « projet parental », l’humanité d’un embryon puisse un jour être reconnue et le lendemain désavouée réduisant ce même embryon à un amas de cellules ? N’est-il pas redoutable de faire dépendre le respect de la dignité de chacun du bon vouloir d’autrui ? La personne humaine ne doitelle pas être respectée pour elle-même et en elle-même, comme sujet unique possédant en soi-même une valeur intangible ? Par ailleurs, ce concept, dont la toute puissance aujourd’hui a de quoi nous alerter, ne mène-t-il pas, en sacralisant le désir parental, à l’avènement d’un « droit à l’enfant » qui chosifie l’enfant ?
L’embryon, ou le fœtus, sont-ils une partie du corps de la femme ?
La dépénalisation de l’avortement fut à l’époque revendiquée par les féministes au nom du « droit à disposer de leur corps ». Il est aujourd’hui toujours farouchement défendu comme tel, ce qui explique sa banalisation. Pourtant, biologiquement, l’enfant n’est pas une partie du corps de sa mère : il en est l’hôte. La preuve en est : l’enfant a un patrimoine génétique distinct de celui de sa mère ; il peut même, en cas de dysfonctionnement du corps de sa mère, produire des anticorps ; il continue à se développer normalement même si la mère est dans le coma, comme le montre cette première médicale répercutée par la presse en octobre 2009 (cf. Synthèse de presse Gènéthique du 12/10/09). Certes, l’enfant in utero dépend totalement de sa mère mais pas plus qu’un nourrisson qui est notamment incapable de se nourrir seul. Pourquoi donc le « droit de la femme à disposer de son corps » supplanterait-il celui de l’enfant à vivre, droit fondamental de tout être humain ? La liberté de la femme est donc objectivement limitée par l’impossibilité de disposer de la vie et du corps humain de cet embryon qui est bien distinct de son propre corps. « Syndrome post-abortif » : l’avortement en question ? Il semble par ailleurs difficile de parler de « libération de la femme » au regard des séquelles, notamment psychologiques 16 , que laisse l’avortement chez les femmes qui y ont recours.
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