Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

3 octobre 2020 6 03 /10 /octobre /2020 09:29

Reçu de EVR que nous remercions.

 

L’écrivain et journaliste Denis Tillinac est décédé le 26 septembre dernier à 73 ans. C’était un réactionnaire assumé qui débordait d’énergie pour défendre la grandeur de la France. Son combat n’était pas idéologique mais ancré dans le terroir, charnel et sa plume énergique. Voici deux textes, l’un sur les racines catholiques de la France et l’autre sur la repentance coloniale, qui illustrent bien sa liberté de pensée.

 

Le recteur Boubakeur exhorte nos autorités à doubler le nombre de mosquées pour ses coreligionnaires français. Ils seraient 7 millions, a-t-il dit. (…) En légitimant ses exigences par le nombre supposé de ses fidèles, l’islam prétend enraciner le multiculturalisme confessionnel dans notre pays. Or, le nombre ne saurait suppléer l’absence de racines historiques.

Les confessions sont évidemment égales devant la loi, laïcité oblige ; elles ne le sont pas à l’aune de la mémoire. Quinze siècles d’accointances intimes avec la catholicité ont profilé notre paysage intérieur, façonné notre spiritualité, notre sentimentalité, notre sociabilité, notre esthétique, notre ludisme, notre scansion du temps, notre érotisme même.(…)

La séparation des Églises et de l’État a émancipé le citoyen de la tutelle d’un cléricalisme tantôt gallican, tantôt vaticanesque : c’était opportun et nul ne le conteste. Reste l’héritage d’une architecture mentale bâtie, étayée, enluminée par la catholicité romaine. L’âme de la France plane au-dessus des clochers de Notre-Dame qui a solennisé les hautes heures de son histoire, y compris le Te Deum de la Libération avec de Gaulle et Leclerc. L’“identité” de la France est insaisissable si l’on occulte la symbolique liée à la cathédrale de Reims, à la crypte de Saint-Denis — et à ces monastères bénédictins et cisterciens qui ont transmis le savoir et défriché nos arpents.

Même la texture de notre anticléricalisme, sans équivalent en Europe depuis les Lumières, témoigne de la prégnance du fond de sauce catho : amour-haine de ce couple désormais à la retraite, goupillon et férule.

Notre imaginaire, nos quêtes de l’invisible, nos chamailleries politiques, nos tours de langage s’y réfèrent par une pente naturelle. Aussi est-on légitimement choqué quand nos chefs d’État, sous prétexte de neutralité, reçoivent sur un pied d’égalité les dignitaires de l’Église catholique et ceux des diverses confessions ayant importé des fidèles en France. Égalité inéquitable et mesquine, car procédant d’une approche bassement comptable et ignorant une longue et noble mémoire.

J’ai le plus sincère respect pour la piété d’un musulman ou d’un hindouiste : toute invocation d’une transcendance vaut mieux que le culte du fric et de l’ego. Mais ces confessions n’ont aucun ancrage dans notre inconscient collectif, aucune résonance dans nos cœurs. En accréditant sournoisement l’illusion d’une équivalence, nos dirigeants assèchent les sources de notre patriotisme et humilient les fidèles catholiques.(…)

Il y a beaucoup de musulmans en France, ils ont droit au respect de leur foi et à la possibilité d’exercer dignement leur culte. Mais on ne décrète pas des racines : les nôtres sont catholiques au sens large depuis le baptême de Clovis, point final.

dans Valeurs Actuelles, 16 avril 2015

 

Il ne faut pas faire joujou avec la mémoire. Ni avec la sémantique. (…)

La repentance est une pathologie de la lucidité exigible pour comprendre une situation. Les historiens s'en acquitteront, c'est leur affaire, pas celle de nos gouvernants. C'est leur affaire aussi de décrire l'aventure coloniale initiée à partir de la Renaissance par les Anglais, les Espagnols, les Portugais, les Bataves, les Français. Le colonialisme n'est pas un “crime”. Ou alors, l'histoire se résumerait à une série ininterrompue de crimes, car, de tout temps et en tous lieux, pour le meilleur (parfois) et pour le pire (souvent), les peuples plus puissants que leurs voisins n'ont eu de cesse de les assujettir. Darius, Alexandre, les César, Attila, le premier djihad, Tamerlan, les Ottomans ont précédé Cortés et ses épigones, avec des manières aussi peu aimables. Armés d'une idéologie de gauche (les Lumières et la Raison supplantant les feux de la brousse), nos colonisateurs n'ont pas été les plus brutaux. Trêve d'anachronisme : l'ère coloniale est révolue. Un autre impérialisme l'a supplantée : économique, celui-là. Mieux vaudrait s'en soucier plutôt que de faire battre des coulpes pour éponger des mauvaises consciences. Ou conjurer la trouille de l'islamisme. (…)

Tout peuple a besoin d'une mythologie fondatrice, avec des héros forcément fabulés.

Les nôtres composent un panthéon susceptible d'entretenir un patriotisme de bel aloi : Vercingétorix à Gergovie, Roland à Roncevaux, Saint Louis sous son chêne, Jeanne d'Arc à Orléans, Bayard à Marignan, les volontaires à Valmy, Bonaparte au pont d'Arcole, la Légion à Camerone, les poilus à Verdun, de Gaulle à Londres. Ajoutons le d'Artagnan de Dumas, le Cyrano de Rostand et quelques tirades cocardières de Gabin, il y a de quoi se sentir fier d'être français, quelles que soient nos racines originelles. Mais si de faux vertueux s'obstinent à nous seriner que nous fûmes d'odieux esclavagistes au XVIIIe siècle, d'affreux colonialistes au XIXe, d'abominables collabos durant l'Occupation et d'ignobles tortionnaires en Algérie, les dents grinceront et ça finira mal.

dans Valeurs Actuelles, 29 février 2020

 

https://www.letelegramme.fr/images/2020/09/26/l-ecrivain-denis-tillinac-ici-en-2008-vient-de-deceder-a_5322493.jpg

Partager cet article
Repost0

commentaires