Lettre de responsables du journal "L'Humanité" demandant aux autorités allemandes l'autorisation de reparaître le 25 juin 1940 pour défendre la pacification européenne et la pacte germano-soviétique
Lettre adressée au Colonel Boemelburg de la Gestapo. Paris, le 25 juin 1940.
Monsieur,
Comme suite à la conversation que nous avons eue ce matin, nous tenons à vous préciser les préoccupations oui sont nôtres, dans les moments difficiles que nous traversons.
Laissez-moi vous rappeler tout d'abord que nous, communistes, devant la guillotine ou le poteau d'exécution, nous avons été les seuls à nous dresser contre la guerre, à demander la paix à une heure où il y avait quelque danger à le faire.
Si on nous avait écoutés, dans les milieux dirigeants français, notre pays ne connaîtrait pas les difficultés qu'il connaît aujourd'hui. La France n'aurait pas connu la guerre. Mais au lieu de nous écouter, on a jeté nos militants en prison, on s'est livré contre nous aux pires persécutions. Ces braves, chacun le sait, ce sont les communistes, et quand, par exemple, les journaux comme "Le Matin" ou "Paris-Soir", qui se sont rendus libres par leurs mensonges, viennent maintenant parler au peuple, qui donc pourrait avoir confiance en eux ?
Il y a un journal qui est capable d'inspirer confiance au peuple, parce qu'il a été interdit par le Gouvernement des fauteurs de guerre. Ce journal, c'est "L'Humanité", bien connu comme organe central du Parti communiste français.
C'est pourquoi nous pensons que dans les circonstances actuelles, le journal "L'Humanité" peut rendre d'immenses services au peuple de France, à condition qu'on n'essaye pas de lui dissimuler son véritable caractère, faute de quoi il apparaîtrait comme une contrefaçon sans aucune espèce d'intérêt.
Nous demandons donc l'autorisation de publier "L'Humanité" sous la forme dans laquelle elle se présentait à ses lecteurs avant l'interdiction par Daladier, au lendemain de la signature du Pacte gerrnano-soviétique.
"L'Humanité" publiée par nous se fixerait pour tâche d'oeuvrer au redressement économique du pays, en exaltant la mission créatrice des travailleurs, en s'efforçant de développer l'effort de production dans tous les domaines, tant dans l'agriculture que dans l'industrie.
"L'Humanité" publiée par nous se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre et d'appeler les peuples coloniaux à lutter pour leur indépendance contre les oppresseurs impérialistes.
"L'Humanité" publiée par nous se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique, qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions du paix durable.
P.S - Afin que "L'Humanité"puisse remplir sa tâche de défenseur et conseiller du peuple, il faut
1 ° que soient libérés les militants communistes emprisonnés ou internés dans des camps de concentration [par la IIIe république];
2 ° que soient rétablis dans leurs fonctions et droits de représentants du peuple tous les élus arbitrairement déchus de leur mandat et qui ont, envers et contre tous, défendu le pacte germano-soviétique (sénateurs, députés, maires, conseillers généraux, conseilleurs d'arrondissement, conseillers municipaux).
TREAND Maurice du Comité central Du Parti Communiste Français
FOISSIN Robert, Avocat à la Cour de Paris (signé)
CATELAS Jean, Député - du Comité central du Parti Communiste Français
http://www.lesbonsdocs.com/pages/guerresmondiales.htm#argumentsalliancenaziscoco