Sara Giraudeau, drôle d'Alouette
Par Nathalie Simon, Le Figaro le 31/05/2012

Sara Giraudeau apporte à son interprétation de Jeanne d'Arc la distance nécessaire à l'humour. Crédits photo : Pascal Victor/Pascal Victor/ArtComArt
Enfin une pièce d'Anouilh parfaitement représentée ! Créée en 1953, avec Suzanne Flon dans le rôle de Jeanne d'Arc, L'Alouette est aujourd'hui mise en scène par Christophe Lidon au Théâtre Montparnasse, à Paris. Il a eu raison de faire confiance à Sara Giraudeau pour interpréter la pucelle de Domrémy. L'actrice, qui a gagné en maturité depuis Colombe, qu'elle a jouée en 2010, est époustouflante de naturel et de drôlerie.
C'est un plaisir de la voir revivre le parcours de la petite bergère qui s'inquiète d'«avoir la France sur le dos» quand elle appliquera les conseils de l'envoyé de Dieu, le «beau» Saint-Michel, et de deux autres voix féminines, à la lettre. Avant-gardiste, Anouilh a dû inspirer les Monty Python tant il cultive le décalage. «T'es une fille épatante, t'as une bonne bouille», lance le roi Charles (Davy Sardou) à la «petite empêcheuse de tourner en rond».
Dirigée de main de maître, aussi pure et obstinée qu'Antigone, Sara Giraudeau apporte la distance nécessaire à l'humour, ainsi que l'aurait souhaité l'auteur. «Qui fera les voix? Moi, bien sûr !» prévient l'héroïne avec un sens irrésistible de l'imitation. Quelle énergie l'impertinente dépense pour convaincre ses adversaires politiques et religieux, pour «prendre un habit d'homme et aller trouver notre sire le Dauphin pour sauver le royaume de France»!
Entre autres scènes savoureuses, celle de Beaudricourt (Piquant Joël Demarty) conditionné par Jeanne déclenche des rires joyeux. Usant de la méthode Coué, elle apprend aussi à Charles que «le tout, c'est d'avoir peur le premier».
En tunique de coton, puis en fausse cotte de maille, la fille d'Anny Duperey et de Bernard Giraudeau est bien «cette petite alouette chantant dans le ciel de France, au-dessus de la tête de leurs fantassins…» Qui affronte avec un mélange de candeur et de vaillance le comte de Warwick (Stéphane Cottin), Pierre Cauchon (Bernard Malaka) et les terribles messires Promoteur (Olivier Claverie) et Inquisiteur (François Dunoyer).
Christophe Lidon ne cherche pas à causer foi et politique, il s'attarde sur le registre léger, exploitant à fond le théâtre dans le théâtre. Outre des comédiens fiables, il a réuni des fidèles autour de Sara Giraudeau. En particulier, la costumière, Pascale Bordet, auteur de costumes splendides, et la décoratrice, Catherine Bluwal, qui a imaginé une gigantesque rosace dominant la salle. On en sort réjoui.
Théâtre Montparnasse, Paris (XIVe) . 01 43 22 77 74. Durée: 1 h 40.