2 novembre 2013
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Il est une dernière remarque que je tiens absolument à vous faire, parce que c'est un des obstacles les plus fatigants et les plus persévérants dans la conduite des âmes : c'est de les entendre se retrancher perpétuellement derrière les conditions de tempérament, d'éducation, de caractère, d'habitudes antérieures, afin de solliciter et d'obtenir je ne sais quelle misérable amnistie en faveur de leurs fautes : « Je suis comme cela ». Mais, changez ! Est-ce que vous êtes chrétiens pour vous dispenser du courage ? Oubliez-vous donc que vous êtes, vous, l'élite et la réserve de Dieu ? — Ou bien les âmes s'attristent, s'étonnent : « Mon Dieu, vous voyez bien, je suis toujours la même ». — Mais du courage ! Servez-vous de votre volonté : la facilité, la disposition instinctive viendra ensuite. La volonté et la fidélité frayeront le chemin à l'habitude qui s'établira peu à peu. Lorsque vous aurez gaspillé votre vie tout entière à constatersous cette forme plaintive, gémissante, triste, absorbée, douloureuse, les imperfections qui sont en vous, lorsque vous vous serez obstinément hypnotisé en face de vos misères, dites-moi, la résistance sera-t-elle vaincue ? l'obstacle renversé, et votre devoir réellement accompli ? Mais nous aimons nos infirmités morales, nous aimons nos imperfections. Si nous descendions loyalement au fond de notre conscience, nous découvririons une sorte de condescendance basse, une connivence inavouée, mais pourtant trop réelle, avec ces attractions basses de l'animalité : on veut et l'on ne veut pas, et l'on meurt au milieu de ses imperfections, et de ses désirs impuissants. « Les désirs tuent le paresseux » (Pr 21, 25). Sans doute, on n'aime pas absolument son imperfection, mais il y a néanmoins une sorte de condescendance, disons le mot, une sorte de complicité avec tout cet ensemble maudit que nous portons en nous.
Je finis : vous voyez les conditions de notre nature ; vous êtes renseignés maintenant. S'il vous arrive encore d'appartenir au moi, de vous hypnotiser devant lui, de vous laisser entraîner au sensible, vous saurez désormais à quoi vous sacrifier. Jamais une nature humaine placée aux confins de l'intelligence et du monde sensible ne pourra se maintenir en équilibre parfait entre ces deux extrêmes : elle inclinera inévitablement d'un côté ou de l'autre. Dès lors, il n'y a pour nous que deux alternatives : être à Dieu ou être à l'idole ; appartenir à cet ordre idéal, universel, supérieur, ou appartenir au moi, au sensible, à l'animal. En d'autres termes, notre vie est telle qu'il faut que nous soyons à Dieu ou à nous-mêmes et à la partie basse de nous-mêmes. De toute nécessité il faut choisir. Dieu pour Dieu, est-ce que le nôtre ne vaut pas mieux ?
Dom Paul Delatte, in Contempler l’invisible (Solesmes)
Le contexte de ce texte est ICI .
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