Et s’il a ce bonheur, quel rôle y joue-t-il ?
Quels sont les riches et les pauvres de cette étonnante communauté ?
Ceux qui donnent et ceux qui reçoivent ?
Que de surprises ! Tel vénérable chanoine pieusement décédé, dont le bulletin diocésain aura fait l’éloge pompeux, dans le style particulier à ces publications, ne risque-t-il pas d’apprendre, par exemple, qu’il a dû sa vocation et son salut à quelque incrédule notoire, secrètement harcelé par l’angoisse religieuse, et auquel Dieu avait incompréhensiblement refusé les consolations mais non pas les mérites de la foi ?
(Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé.)
Oh ! rien ne paraît mieux réglé, plus strictement ordonné, hiérarchisé, équilibré que la vie extérieure de l’Eglise.
Mais sa vie intérieure déborde des prodigieuses libertés, on voudrait presque dire des divines extravagances de l’Esprit _ l’Esprit qui souffle où il veut.
Lorsqu’on songe à la stricte discipline qui maintient presque implacablement à sa place assignée chaque membre de ce grand corps ecclésiastique depuis le modeste vicaire jusqu’au Saint-Père avec ses privilèges, ses titres, on voudrait presque dire son vocabulaire particulier, n’est-ce pas en effet comme une extravagance, ces promotions soudaines, parfois très soudaines, de religieuses obscures, de simples laïques, ou même de mendiants faits brusquement patrons, protecteurs et parfois docteurs de l’Eglise universelle.
Bernanos, Nos amis les saints