Lettre à mon ami le randonneur…
Tribune libre de Thibault Doidy de Kerguelen* pour Nouvelles de France
La situation de la France ne serait-elle pas comparable à celle d’un randonneur qui aurait trop chargé son sac ? Soit il se condamne à l’arrêt cardiaque, soit il se résout à laisser sur le bord de la route une partie de son fardeau…
Oui, il ne faut pas charger la mule quand elle grimpe, c’est le meilleur moyen de lui éclater la rate. Mais l’alléger demande aussi de la prudence, de la réflexion, de la politique (au sens de prévoir, de choisir, de gérer). En tout cas, l’allègement, si nécessaire soit-il, ne suffit pas. Toi, le randonneur, tu as marché comme un dératé sous la cagna avec ton sac à dos plein de trucs qui ne sont pas pour toi et que tu t’es coltiné pour faire plaisir aux autres. Arrive le moment où tu n’en peux plus. La mort dans l’âme, parce que tu avais promis de supporter la charge jusqu’au sommet, tu plantes là le fardeau en te disant que plus tard, quand tu iras mieux, tu repasseras et en reprendras tout ou partie, histoire de pouvoir te regarder dans une glace.
Bien, mais crois-tu réellement que, le sac allégé, tu vas illico courir comme une jeunette et te mettre à escalader comme le chamois moyen ? Non, tu auras toujours une « fatigue aux pattes », résultat de tes efforts précédents. Si tu ne prends pas un sucre ou de la pâte d’amande, si tu ne prends pas un petit remontant, tu auras de toute manière du mal à grimper.
Donc, il faut un remontant. C’est là que ça se corse. Ceux qui disent « Ce sont les pouvoirs publics (quels qu’ils soient) qui investissent pour créer de la croissance » te vendent l’impression du remontant, un petit peu comme celui qui te dit en montagne, « Un coup d’gnôle ça fait pas d’mal ». Ouais, tu pètes le feu cinq minutes parce que dans l’alcool il y a du sucre, et après tu t’écroules… ou pire, ceux qui disent « Un bon rail de coke », ça agit sur le cerveau qui réussit à donner des ordres fous aux jambes, mais pareil que l’alcool, ça dure peu de temps et après t’es mort !
Le remontant, il faut qu’il agisse là où est la fatigue. Pour toi, le randonneur, il faut que ton sang véhicule de l’énergie, du sucre, de l’oxygène. Pour l’économie, le remontant doit agir sur les membres qui fournissent l’effort : les entreprises, l’activité économique. C’est parce que des entreprises génèrent de la plus value, qu’elles créent de la richesse, qu’elles embauchent et investissent. Ce n’est QUE lorsque la plus value est créée que l’État peut se permettre de les taxer pour assurer les charges de la nation. Donc, alléger, c’est bien, c’est nécessaire (et malheureusement on n’en prend pas le chemin en France) mais ce n’est pas suffisant, il faut aussi créer le contexte de la relance économique.
En créant un contexte français où la main d’œuvre est la plus chère du monde, où 80% de ce que gagnent les citoyens revient à l’État, nous avons créé un contexte favorable aux délocalisations.
Pourquoi je dis créer le contexte et non pas relancer ? Parce que le bouton « relance », sur lequel on appuie et qui démarre un moteur, n’existe pas.