"Au moment où une peine très vive se mélange à une admiration profonde pour ces hommes qui ont donné leur vie pour notre patrie, je voudrais m’adresser à celles qui restent. Mères, sœurs, compagnes, filles, amies de nos militaires.
Il y a quelques mois, un aumônier m’envoyait des lettres de son grand père, écrites entre le 6 août 1914 et le 8 octobre 1914, jour où il meurt pour la France, laissant sa femme et une toute petite fille. J’y trouve ces mots où s’entend déjà le grondement des canons : « Je ferai tout ce qu’il faut pour être fort… Il faut être énergique et surmonter ses peines, comme tu le feras toi aussi, douce chérie, car ton devoir est aussi noble à remplir que le mien. » (Patriote et de bon cœur. Dominique Rézeau, lettre du 6 août 1914) Deux jours plus tard, il complète : « si je ne te reviens pas demain, je partirai faire mon devoir avec toi sur mon cœur, ne te quittant pas un instant dans ma mémoire. » (8 août 1914).
Par ces mots, femmes de France, tout est dit de ce que pensent vos militaires chéris. S’ils appartiennent à la nation par leur état, s’ils savent s’arracher à votre tendresse pour une aventure incertaine, si leur attention se concentre sur les ordres, leur amour les porte vers vous. Si leur vie est à la France, leur cœur est à vous.
Et personne n’oublie que certaines d’entre vous affrontent les mêmes risques.
S’ils servent leur pays, c’est parce que vous êtes là et qu’ils vous aiment. Et c’est parce qu’ils vous aiment quela France est belle. Malheur à ceux dont les yeux aveugles ne savent plus lire les cœurs. Nous savons, nous, qu’il n’y a pas un centimètre de ces guerres monstrueuses qui ne soit habité par la tendresse des hommes.
L’armée ne vous les prend pas. Pas plus le hasard ou la folie délirante de ceux qui détournent le nom de Dieu. Ils donnent leur vie. Ils osent prendre un rude chemin, celui de l’action. Ils ne veulent pas assister impuissants à la débâcle de l’humanité. Le maréchal Lyautey écrivait : « il y a deux catégories d’êtres, ceux qui absorbent, les parasites, ceux qui rayonnent, l’élite. » (Lyautey, Maréchal de France, 1954, p. 24) Rayonner comporte toujours un risque : ici, il est mortel. Avec l’amour, le goût du risque habite le cœur du soldat.
Peut être alors, dans un cœur de mère ou de femme, se glisse-t-il maintenant ce soupçon que je sentis quelque fois chez ma propre mère : pourquoi ce goût du risque ? Ne serait-il pas irresponsable ?
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