“Le dessin de presse à la une” réunit une cinquantaine de dessinateurs français et étrangers et soulève des questions sur la liberté d’expression.
Cette présentation des Champs libres de Rennes est le fruit d’un partenariat avec Plantu du Monde et son association Cartooning for Peace. Une exposition pas ordinaire qui met en avant des dizaines de dessinateurs de presse à travers des croquis d’actualité, parfois censurés. Cinq sections définissent cet art : Créer, Informer, Dénoncer, Interroger la société, Communiquer à travers le monde.
Avec son bureau reconstitué au beau milieu de l’exposition, la star, c’est lui : Plantu, le redouté dessinateur du Monde. Mais qui se cache derrière ce regard bleu et cet air débonnaire ? Embauché au quotidien le Monde dans les années 1970, après le renvoi de Konk pour des dessins révisionnistes (lequel s’est reconverti dans la presse d’extrême droite), on comprend mieux son allégeance au système. Plus question de prendre le risque d’un mauvais coup de crayon à droite !
D’ailleurs, lorsqu’on le lui demande, oui, il se définit comme un artiste, et oui, il est partial. Après tout, c’est le luxe du dessinateur d’extrapoler le travail du journaliste. Trempés dans l’acide plutôt que dans l’humour, ses dessins sont faits pour blesser. Appuyé d’un trait d’esprit bien ciselé, le crayon affûté du dessinateur peut tuer.
À la question concernant de possibles dessinateurs de droite, il répond tout de go qu’il n’y en a pas, mis à part l’excellent et regretté Jacques Faizant auquel il rendit hommage à travers un dessin. C’est oublier les plumes de la droite nationale, Miège ou Chard.
Lutter contre la censure ou relayer la désinformation ?
D’où vient la mauvaise foi de Plantu, personnage fédérateur de l’exposition ? Il avoue avoir été catéchisé par André Vingt-Trois, son aîné, alors qu’ils étaient dans la même école. Le résultat est peu probant, qui a conduit Plantu à se poser en systématique adversaire de l’Église.
Grosse “crise de foi” dont il ne se remet pas et qu’il étend à toutes les religions sans distinction, en faisant fi des valeurs intrinsèques de chacune, et finalement oeuvrant pour une néfaste assimilation des unes aux autres. On voit que le rôle du dessinateur de presse est de relayer à sa manière la désinformation selon qu’il appartient à une presse de gauche comme le Monde ou d’extrême droite, pourRivarol.
En revanche, l’œuvre du dessinateur est parfois censurée pour sa pertinence comme la dénonciation de la presse elle-même à travers ce dessin de Kroll, refusé par le Soir à la veille du procès de Marc Dutroux, faisant dire à cet assassin : « 250 médias, 1 300 journalistes, je suis le centre de l’univers, qu’est-ce que c’est bon ! » Un croquis qui interroge la déontologie profonde de la profession journalistique alors qu’elle met toujours le criminel au centre de l’information et relaie sans cesse ses paroles.
Après le SDJ, première tentative d’unification des dessinateurs dans une association de type syndical, naquit en 1968, sous l’impulsion de Raymond Poivet, le Syndicat des dessinateurs de presse dont l’existence s’avéra chaotique car, par nature, le dessinateur n’a pas l’âme de corporation. Avec son association Cartooning for Peace, Plantu tente de fédérer les dessinateurs du monde entier afin de promouvoir « une meilleure compréhension, un respect mutuel entre des populations de différentes croyances ou cultures, avec le dessin de presse pour moyen d’expression d’un langage universel ». Alors, mouvement d’autocensure ? Comité de surveillance ? Plantu nous explique cela par l’explosion d’Internet susceptible de monter en épingle n’importe quelle publication et de provoquer un raz-de-marée. Un clic sur un dessin peut provoquer un choc des cultures.
Sans craindre le paradoxe, il revendique la liberté d’expression. À titre personnel, il ne craindrait pas de croiser le fer avec des confrères de droite. Certes, mais il faudrait alors donner la parole à tous et commencer par ouvrir l’exposition et l’association à tous.
À voir
Dessins de presse à la une, jusqu’au 9 janvier 2011, Les Champs libres, 10, cours des Alliés, 35000 Rennes.
À lire
Le Dessin de presse à l’époque impressionniste, 1863-1908, de Gérard Gosselin, Yannick Marec, Martine Thomas, Democratic Books, 170 pages, 29,95 €.cure.com