Est-il possible aujourd’hui d’ouvrir un débat avec des jeunes qui ont subi le discours monolithique en faveur de l’avortement, présenté comme un « droit » de la femme, en ayant seulement recours à la parole et aux textes écrits ? A l’argumentation raisonnable ? L’expérience du professeur de Manosque – qui organise tout de même ces débats depuis 15 ans, et d’autant plus que ses élèves les lui réclament ! – est que la parole ne suffit pas. Elle ne change même rien, puisque nous vivons dans une « culture » de l’image et que les élèves en sont au fil des ans de plus en plus imprégnés.
Organiser un débat suppose d’en présenter les différents aspects. Le pour et le contre. Dans le cadre scolaire, il est entendu que les élèves de seconde sont censés eux-mêmes apporter les différents éléments pour que la discussion s’engage. L’ennui, c’est que le discours monolithique imposé aux jeunes sur la question de l’avortement (mais ce n’est pas la seule qui soit ainsi « verrouillée »), soutenu dans le cas du lycée Les Iscles par des interventions régulières du Planning familial dans les classes, faisait que les élèves n’apportaient pour ainsi dire jamais d’éléments pour contredire le postulat : « L’avortement est un droit de la femme. »
Mais le plus effarant, c’est que même mis en présence de textes écrits de réflexion ou de description des procédures de mise à mort des tout-petits, même confrontés à une parole autre que celle qui leur est habituellement servie, les jeunes lycéens ne semblent pas en saisir le sens. La discussion ne s’engageait véritablement que si des images d’avortement étaient montrées en début de séance. Comme si un verrou sautait.
C’est la preuve, s’il en fallait, du degré de « décervelage » opéré chez tant de jeunes par des pédagogies qui, dès les plus petites classes et toutes matières confondues, les habituent à travailler en mode visuel, parole coupée, ou alors par repérage et comparaison à travers des tâches qui n’exigent pas d’analyse. C’est la mécanisation des intelligences dénoncée par Elisabeth Nuyts, celle qui aboutit, lorsqu’elle est pleinement « réussie », à faire réagir les jeunes à des mots-clefs en rendant insignifiant tout ce qui ne va pas dans le sens de ce qui leur a été imposé. Les mots glissent, ou activent des réflexes pavloviens. Avortement ? Droit ! Pro-vie ? Extrémiste !
Pour briser ce carcan, cette pensée unique totalitaire, pour permettre – comme ils disent – au débat de s’instaurer, quelle autre solution que d’adopter le langage que ces jeunes comprennent ? Celui de l’image… C’est finalement le seul électrochoc qui puisse encore agir. Voir la réalité. Une réalité si énorme, si évidente – et habituellement si cachée – qu’elle pénètre nécessairement au fond de la conscience.
On parle de la « civilisation de l’image ». Le mot est mal choisi : qu’est-ce qu’une « civilisation » où l’image se déverse à flots, mais soigneusement triée, la plupart du temps virtuelle, souvent fausse, trafiquée, détournée pour cacher la réalité des choses, et où l’absence de parole et de recul coupe si souvent net toute tentative de réflexion et de jugement critique selon les critères objectifs du beau, du vrai et du bien ?
On peut s’interroger sur l’opportunité de montrer à des jeunes de 14, 15 ou 16 ans des images de tout petits enfants démembrés, déchiquetés, brûlés, jetés par la volonté de leurs mères (qui, si souvent, ne savent pas ce qu’elles font) et exécutés froidement par des médecins qui sont faits pour soigner, avec l’aide et l’assistance des pouvoirs publics qui organisent le massacre.
Oui, ces images sont traumatisantes. Parce qu’elles sont vraies. Parce qu’elles mettent violemment le spectateur en face d’une réalité bien plus violente encore, que l’on cherche à tout prix à maintenir cachée. C’est ce qui explique le tollé des associations qui se disent « pro-choix » : comment peut-on « choisir » cela ?
Mais il faut arrêter l’hypocrisie. Il ne faut pas oublier que la génération des jeunes qui est aujourd’hui sur les bancs du lycée a été abreuvée d’images « gore », de scènes de viols et de meurtres, de pornographie souvent, de noirceur et de désespoir. Tout ce qu’il y a de plus monstrueux, de plus bizarre, de plus ignoble, ils y ont accès par le cinéma et les clips, et surtout par Internet, autant qu’ils le veulent. La désespérance est le lot quotidien des lectures qui leur sont imposées par l’école. La cruauté, l’insensibilité, le sentiment de toute-puissance aussi leur sont accessibles par un nombre incalculable de jeux vidéos dont l’ultra-violence n’émeut pas trop les pouvoirs publics. Qui d’ailleurs dégagent des subventions rondelettes pour les concepteurs de ces mêmes jeux, au nom de la Culture…
Alors, que les jeunes soient encore frappés par des images de tout petits enfants d’hommes massacrés dans le ventre de leurs mères, c’est plutôt rassurant. Mais arrêtons de dire que c’est une atteinte intolérable à leur sensibilité, qui est si facilement agressée par ailleurs, et, pour beaucoup, plus émoussée sans doute que celle des générations qui les ont précédés. Et le traumatisme qu’elles provoquent, ces images, est-il mauvais ? Est-ce si terrible de faire prendre conscience que l’avortement tue ? Est-ce si scandaleux, à un âge où ces lycéens ont déjà, souvent, une vie sexuelle active et où les adolescentes peuvent être amenées à avorter, même à l’insu de leurs parents ?
Une conversation avec le professeur de Manosque m’a permis de mieux comprendre les choses. Je l’ai interrogé sur le trouble que provoquaient effectivement les images d’avortement sur les jeunes qui, rappelons-le, acceptaient de les voir en toute connaissance de cause. La seule réaction de vrai choc qu’il ait vue, m’a-t-il répondu, était chez une jeune fille qui effectivement, avait avorté. Il s’était excusé auprès d’elle, n’ayant pas eu l’intention de blesser. Mais il se trouve qu’elle est devenue son meilleur soutien. La vérité l’a libérée.
Pour les autres, qui sont tout de même dans une classe d’âge où ils n’ont pas eu directement affaire à l’avortement, l’absence de culpabilité change aussi la donne. Ils n’ont pas participé au massacre. Ne s’en sentent pas responsables.
C’est d’ailleurs sans doute cela qui explique les réactions si démesurées de la presse, de la hiérarchie éducative, de ceux qui prônent le droit des femmes de disposer à leur guise de la vie qu’elles portent en elles. La honte, la tristesse, le remords qui font trop mal, alors on refuse de voir la vérité en face.
Peut-être, aussi, la peur du regard d’une jeune génération, pas encore complice, et soudain témoin d’un massacre que leurs aînés justifient et organisent…
Article paru dans Présent daté du vendredi 3 décembre dans la chronique “Génération décervelée”.
© leblogdejeannesmits
Bon, c'était en fait le 6 décembre, fête de Saint-Nicolas, mais on l'avait un peu oublié, lui aussi... Les premiers articles ...
- Noël aura-t-il lieu ?
On imagine très bien les hommes s'interrogeant entre eux un matin du 26 décembre: « Mais, dites donc, n'était-ce pas hier Noël ? - Noël ? Voyons, voyons, nous étions hier le 24, consultez le ... - les nuits les plus longues...
Voici les derniers mois de l'année.Voici les nuits les plus longueset les jours les plus tristes.La télé et les journaux nous déversentleur flot quotidien de violence.A désespérer ! Allume la ... - le dénombrement ?
Regardez ce tableau. On est en hiver, il a neigé. Des maisons; des charrettes; des étangs gelés; des enfants qui jouent sur la glace. A gauche des personnages font la queue à un guichet. Un groupe ... - Noël raconté par Saint-Luc
1 En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre. 2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. 3 Tous allaient se ...Dites-le à vos amis...