Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 6,7-15.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé.
Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal.
Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi.
Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes.
(Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris)
Le commentaire de Dom Delatte ...
Vous ne prierez pas non plus comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et à l'angle des places publiques. — Mais n'est-il pas recommandé de prier toujours et partout, aux heures prescrites? Est-ce donc une faute de prier debout? Plusieurs passages de l'Écriture ne nous affirment-ils pas que c'est l'attitude normale de la prière (I Reg.,. i, 26 ; Me, XI, 25 ; Le., xviii, 11-13)? Sans doute ; mais ce que le Seigneur désapprouve, c'est uniquement la recherche de l'effet : ut videantur ah hominibus. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Cette préoccupation du regard des hommes est plus odieuse encore dans la prière que dans l'aumône. Pour vous» ajoute le Sauveur, lorsque vous priez, vous n'avez pas affaire à un Dieu lointain : entrez dans votre appartement retiré et, ayant fermé votre porte (Is., xxvi, 20 ; ÏV Reg., iv, 33), priez votre Père en secret ; votre Père, qui voit dans le secret, le saura seul et vous exaucera. Le Seigneur ne blâme aucunement ici la prière publique, la liturgie officielle, mais il oppose à la dévotion affectée et tapageuse du pharisien le caractère intime et discret de la prière chrétienne. Sous peine de franchir les limites d'un commentaire, nous ne saurions d'ailleurs rechercher maintenant la signification profonde de ces paroles : intra in cubiculum tuum ; la recommandation divine s'entend bien, non pas seulement de la prière orale, mais de la prière mentale, et aussi de la prière parfaite ou mystique. La critique qui suit condamne sans doute, comme au chapitre XXIII, 14, «les longues prières » des pharisiens, qui n'étaient .qu'un calcul d'avarice et un procédé d'ostentation : mais elle est spécialement dirigée contre la méthode des païens. Pour les Romains, par exemple, la religion n'était guère qu'un ritualisme méticuleux et compliqué, la prière qu'un énoncé de formules matérielles et fixées. Au IIIe Livre des Rois (xviii, 26), il est raconté comment les prêtres de Baal invoquent leur dieu depuis le matin jusqu à midi, criant : « Écoutez-nous, ô Baal ! » Lorsque vous priez, dit l'évangile, gardez-vous du verbiage, comme les païens ; ils pensent, en effet, que c'est grâce à cette abondance de paroles qu'ils seront exaucés. Le Seigneur n'interdit point toute prière prolongée : lui-même y employait des nuits entières. Il ne défend pas de prier dans les mêmes termes fréquemment répétés ; les Kyrie eleison et les Ave Maria du chapelet ne sont certainement pas proscrits par celui qui, au soir de son agonie, « pria trois fois en redisant les mêmes paroles «. C'est à son exemple, et, à l'exemple des saints, que nous répétons indéfiniment le Psautier. Mais il nous rappelle qu'il n'existe pas de prière purement vocale et qu'il y a une grande différence entre beaucoup parler et beaucoup prier. Gardez-vous de ressembler aux gentils. Vous n'avez pas besoin de tant de paroles. Les paroles ne sont utiles que comme expression de votre désir, comme procédé filial vous portant à intervenir dans les choses de la Providence et dans le conseil de Dieu, pour lui dire naïvement, comme un enfant à son père, ce qui VOUS serait utile, ce qui vous ferait plaisir. Nous prions et nous parlons pour nous humilier, nous reconnaissant pauvres ; pour fournir à Dieu la condition moyennant laquelle il accorde ; pour nous unir à sa volonté, pour témoigner de notre filiation, pour adorer, louer et dire merci. Mais nous n'avons pas la prétention de renseigner Dieu ; car, avant que notre prière ne soit formulée, notre Père sait ce dont nous avons besoin. Il le sait si bien qu'il ne nous accorde point même ce que nous lui demandons avec instance, lorsqu'il le reconnaît peu expédient. Tel est le caractère de notre prière.
( in Commentaire de l'Evangile)