Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

5 avril 2018 4 05 /04 /avril /2018 10:17

 

Joyeuses Pâques avec l’écrivain anglais G.K. Chesterton (1874-1936). Voici, extrait de son livre L’Homme éternel (1925), une puissante évocation de ce que fut l’émergence des premiers Chrétiens après la Résurrection du Christ :

 

 L'on racontait bien que, je ne sais où, je ne sais quelle vague secte orientale avait fait un esclandre... Quelle lubie ! Il fallait avoir du temps à perdre... Mais voici que l'incident se répète en divers points de l'empire, et que le public commence d'en ressentir une irritation tout à fait disproportionnée à l'importance des personnages en cause. Leurs propos, d'ailleurs, entraient pour peu de chose, bien qu'ils en tinssent d'assez étranges, même pour l'époque. Selon la rumeur courante, ils prétendaient que Dieu était mort et qu'ils  l'avaient vu mourir. On en avait entendu bien d'autres dans ces temps désespérés ; seulement ces provinciaux ne semblaient point en proie au désespoir, mais à la plus étonnante allégresse, car le trépas de Dieu leur permettait, à ce qu'ils disaient, de boire son sang et de manger son corps. D'après d'autres versions, il n'en allait point tout à fait ainsi ; Dieu était bien mort, mais non pour de bon, et l'imagination mystifiée peinait à se représenter le spectacle fantastique des funérailles de Dieu, le soleil devenu noir en plein jour, puis l'omnipotent défunt brisant les portes de son tombeau et surgissant à nouveau comme le soleil levant. Cela ne se tenait pas, mais l'histoire n'en était que plus banale. Une religion de fous de plus ou de moins...

Ce qui gênait davantage, ce qui sortait de l'ordinaire, c'était le ton de ces fous-là, et leur allure. Pour un ramassis de barbares, d'esclaves et de gens de rien, ils avaient une démarche étonnamment militaire ; ils observaient une discipline et une solidarité parfaites, et marquaient de la façon la plus tranchante la distinction de ce qu'autorisait ou interdisait leur petit système ; toutes leurs paroles, si doucement qu'elles fussent proférées, avaient la sonorité de l'airain. Bref, l'on en était réduit, faute d'autre explication, à l'extravagante supposition qu'ils croyaient ce qu'ils disaient. Quant à leur faire entendre raison dans l'affaire si simple des honneurs qui se doivent à l'empereur, autant prêcher à des sourds. L'on eût dit qu'un métal nouveau était tombé sur terre ; la différence de substance se sentait au toucher. Et ceux qui s'attaquaient aux fondations de la secte croyaient avoir frappé le roc.

Avec une rapidité étrange, toutes les proportions connues s'abolissent comme en songe au contact de cette poignée d'hommes ; avant que l'on eût eu le temps de les voir venir, ils faisaient déjà sentir leur présence. En peu de temps, ils furent assez considérables pour être dédaignés ; on se taisait à leur approche et l'on détournait la tête. Un peu de temps encore, et le monde a fait place nette à ces gens ; hommes, femmes et enfants, les voici debout au centre d'une immensité vide, seuls, isolés, lépreux. La scène change, et le pourtour de ce vide se garnit d'une nuée de témoins, d'un cercle de visages avides qui se penchent sur eux par myriades dans un silence intense.

Car il se passe là, en bas, des choses étranges : des tourments inouïs ont été inventés pour les insensés qui ont apporté la bonne nouvelle ; une société blasée secoue sa lassitude dans l'émotion nouvelle de sa première persécution. Personne encore ne pourrait dire pourquoi un monde si pondéré a perdu la tête, ni ce qu'il leur veut : mais ils gardent une immobilité surhumaine, tandis que l'arène et la terre entière semblent tourner autour d'eux. Et dans cette heure sombre une lueur les éclaire qui ne s'éteindra plus, une blanche flamme brûle sur le petit troupeau, phosphorescence surnaturelle qui illumine sa trace à travers les ombres de l'histoire et transperce la nuée de fables et de théories qui voudrait l'obscurcir. C'est le trait de lumière et de feu dont le monde, en le foudroyant, l'a cerné et couronné pour la consommation des siècles, par lequel ses ennemis l'ont rendu plus illustre et ses détracteurs plus inexplicable c'est l'auréole de haine qui étincelle au front de l'Église de Dieu.

 

(Re)découvrez Chesterton sur Petrus Angel...

Résultat de recherche d'images pour "Joyeuses Pâques avec l'écrivain anglais G.K. Chesterton"

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires