Le système économique marche sur la tête, dit-on, et charrie son lot de réalités explosives : gagnants et perdants de la mondialisation, injustices sociales, domination de la finance sur le politique, panne du sens du travail, désagrégation sociale et culturelle, etc.
Et si la doctrine sociale de l’Église contenait les remèdes aux désordres de notre temps ?
Subsidiarité, destination universelle des biens, dignité de l’homme au travail… Voici de beaux principes.. Sont-ils toutefois applicables dans le contexte contemporain ? Pour répondre à cette question concrète, les Mardis d’Ichtus proposent un enseignement complet sur les grands défis économiques et sociaux.
à ICHTUS à PARIS ou à DISTANCE !
Chaque conférence est filmée et accessible en replay pendant une année.
Chaque conférence est suivie d’un échange avec la salle ainsi que d’un moment convivial avec les invités. On peut encore s'inscrire, revoir les premières rencontres, et recevoir la documentation.
Merci à Eric qui a déniché cet article et qui l'introduit.
La bourgeoisie catho est très critique vis à vis d’Emmanuel Macron sur ses positions sociétales, civilisationnelles, bioéthiques mais lui trouve de grandes qualités de gestionnaire et de financier et donc serait prête dans le secret de l’isoloir à voter pour lui comme en 2017. Les classes moyennes et populaires, elles, s’abstiennent fortement et n’ont pas conscience qu’une bonne gestion à la tête de l’Etat a des conséquences sur leur vie quotidienne. Il y a urgence à montrer que la France depuis plusieurs années est en train de décrocher économiquement. Notre pays est engagé dans une sorte de fuite en avant. C’est ce que démontre Agnès Verdier-Molinié directrice de la Fondation iFRAP (*), dans son dernier livre Le vrai État de la France (Éditions de l’Observatoire, 256 p.,2022) dont voici des extraits :
2950 milliards de dette publique
La montagne de dette grandit, grandit, et nous regardons ailleurs. Pourtant, la vague de l’inflation arrive et, avec elle, la montée des taux et de la charge de la dette. À 4% de taux d’intérêt à 10 ans, la charge de la dette atteindrait en 8 ans environ 80 milliards d’euros par an selon les simulations, cela deviendrait proprement infinançable. 2 950 milliards d’euros de dette. Un chiffre énorme. En 2022, la dette de la France représente 44 000 euros par Français. En 2012, c’était 20 000 euros. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la dette de la France avait grimpé de plus de 600 milliards, sous François Hollande de presque 400, mais sous Emmanuel Macron, la hausse, à la fin de cette année 2022, sera d’environ 700 milliards d’euros! Aucun autre pays de la zone euro n’a fait ça! L’Allemagne est bien loin derrière nous – malgré la crise sanitaire – avec 518,5 milliards d’euros de dette publique en plus entre 2017 et 2022.
1126 milliards de prélèvements obligatoires
La France est championne du monde du nombre d’impôts, taxes, contributions et cotisations. (…) Selon les données OCDE, la France a 196 impôts et catégories d’impôts, soit plus du double que l’Allemagne (84) et le Royaume-Uni (86). Le système français applique systématiquement plus de prélèvements dans chaque catégorie. Impôts sur les salaires et la main-d’œuvre? France 13, Allemagne 0. Impôts sur le patrimoine? France 33, Allemagne 17. Impôts sur les biens et services? France 109, Allemagne 46. Et ainsi de suite.
1460 milliards de dépenses publiques
En 2017, Emmanuel Macron avait fait une promesse: une baisse de 60 milliards d’euros des dépenses publiques afin de les ramener à 53,5% du PIB à l’horizon 2017, puis à 50% en 2022. Il n’en sera rien, car en 2021 la dépense publique pèse pour 60,7% du PIB. Le pic est dû aux dépenses de soutien à l’économie des années 2020 et 2021, mais, même avant crise, la promesse présidentielle n’était pas honorée car, en 2019, les dépenses publiques représentaient toujours 55,4% du PIB. Le programme d’En Marche proposait pourtant des mesures d’économies via des réformes sociales sur les retraites, la politique du logement, l’assurance-chômage ou encore la baisse des effectifs publics, mais ces projets, oubliés ou abordés trop tard dans le quinquennat, ont été peu ou prou abandonnés. Si les réformes avaient été menées entre 2017 et 2019, la France serait entrée beaucoup plus forte dans la crise.
2 millions d’emplois perdus dans l’industrie
Le secteur industriel français comptait 5,5 millions d’emplois salariés en 1980 ; il n’en comptait plus que 3,2 en 2017 et 3,1 millions en 2021… soit une diminution de plus de 2 millions. Ce phénomène de désindustrialisation concerne la quasi-totalité des secteurs. Depuis la crise, l’emploi a rebondi dans tous les secteurs, sauf dans l’industrie où il stagne (…). Par rapport à 1989, l’industrie française voit ses effectifs diminuer de plus de 30% en 2017. (…) Même l’Italie crée chaque année plus de valeur ajoutée dans l’industrie que la France: plus de 300 milliards d’euros (16% du PIB) quand nous en sommes à 280 milliards. Les Allemands en créent 752 milliards!
82 milliards de déficit commercial
Quand on regarde les chiffres des balances commerciales de quelques pays d’Europe pour 2020 sur le site de l’Insee, c’est un énorme choc: Allemagne? + 183 milliards d’euros. France? - 82 milliards. Cela fait froid dans le dos et cela veut, de toute évidence, dire que les produits français intéressent moins et même, de moins en moins: de + 2,2 milliards en 2001, notre solde commercial est passé à - 82,6 milliards en 2020. (…) Le plus inquiétant est le déficit avec des pays pourtant comparables de l’Union européenne. Contrairement aux idées reçues, nous importons beaucoup plus d’Allemagne, avec 85 milliards par an, que de Chine, avec 51 milliards.
800 milliards champions du monde des dépenses sociales
Aucun autre État n’a autant soutenu sa population pendant la crise. Près de 800 milliards d’euros de dépenses sociales (…) Aucun pays au monde n’atteint ce niveau. La France est à la première place du podium en matière de dépenses publiques sociales. Selon l’OCDE, l’Hexagone a consacré, en 2020, 32% de son PIB à ces dépenses, bien plus que la moyenne des 38 pays membres qui s’élève à 19,9%.(…) En juin 2018, Emmanuel Macron parlait du «pognon de dingue» de la dépense sociale. Difficile de le contredire, car ces dépenses sont passées de 659 milliards d’euros en 2012 à 800 milliards d’euros. Et pourtant, la pauvreté est toujours là. (…) Nous comptons, selon la Fondation Abbé-Pierre, 300.000 personnes sans domicile fixe. Un chiffre qui a doublé depuis les 140 000 personnes du dernier rapport de l’Insee en 2012. Plus inquiétante encore est la montée du nombre de sans-abri (…) : ils seraient 27 000 de plus.
(D’après la sélection faite dans le Figaro Magazine du 14 janvier 2022)
(*) : iFRAP: fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques
Pierre de Lauzun
Polytechnicien, délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers - AMAFI
1. Les Évangiles évoquent abondamment les questions économiques et financières, comme aucun autre texte religieux ne le fait. S’ils s’appuient sur des raisonnements économiques, c’est pour nous faire faire le choix de la vie éternelle. Mais, ce faisant, ils montrent leur intérêt pour les activités matérielles des hommes. En savoir +
2. Sur cette base le Moyen Âge a élaboré une conception poussée de l’économie dans un souci moral et spirituel. La prohibition du taux d’intérêt était contestable techniquement, mais contient un message toujours valable : ce n’est pas l’argent en lui-même, c’est l’homme qui produit. En savoir +
3. L’enseignement de l’Église sur la finance reste limité et devrait se développer sur la base d’une analyse plus poussée de son rôle. L’investisseur chrétien ne peut se borner au seul calcul financier et doit prendre en compte le comportement de l’entreprise où il investit. L’opérateur chrétien face au marché doit aussi œuvrer pour qu’il fonctionne au mieux et donne un prix aussi juste que possible. Enfin, l’usage de l’argent ne peut se limiter à la dimension financière et doit intégrer le rôle du don. En savoir +
4. Les excès de la finance doivent être contrôlés. Une juste rémunération suppose que le service soit réel et surtout ne comporte pas des risques non mesurés qu’on reporterait sur la société. L’endettement général devrait considérablement être réduit par rapport aux niveaux actuels, qui sont dangereux et irresponsables. En savoir +
5. La finance demande un haut degré de souci moral et d’organisation collective. Les chrétiens ont une parole irremplaçable à donner sur ces sujets. En savoir +
La finance, qui a un rôle essentiel dans l’économie, requiert une régulation collective et une orientation morale de ceux qui en sont responsables. Sur la base des Évangiles et de la Doctrine sociale de l’Église, les chrétiens devraient jouer un rôle central dans cette réflexion et cette pratique.
Je vous salue Joseph, vous que la grâce divine a comblé. Le Sauveur a reposé dans vos bras et grandi sous vos yeux. Vous êtes béni entre tous les hommes et Jésus, l’enfant divin de votre virginale épouse est béni. Saint Joseph, donné pour père au Fils de Dieu, priez pour nous dans nos soucis de famille, de santé et de travail jusqu’à nos derniers jours et daignez nous secourir à l’heure de notre mort. Amen.
On avait une source, à laquelle on buvait nos salaires. Selon notre place dans la société et l'importance de notre travail, elle était abondante ou petite. Après avoir absorbé la quantité d'eau nécessaire à notre survie, on en abandonnait une partie à l'Etat. De 5 à 75%. Il y avait des gens dont l'eau était si rare que l'Etat n'y touchait pas, se rattrapant sur les cotisations sociales, les taxes locales et les impôts indirects. Les autres contribuables, une fois désaltérés, laissaient l'Etat se planter devant leur source et boire ce qu'il jugeait bon de boire. Puis sa large bouche humide et son gros ventre bien rempli, il se redressait, satisfait, et allait dormir, dans ce petit coin tranquille qu'on appelle l'administration, jusqu'au prochain tiers provisionnel.
Cette créature assoiffée – l'Etat – tente de faire oublier sa nature brutale par des propos où il est sans cesse question d'une liberté qui n'existe pas, d'une égalité qui est un songe et d'une fraternité qui est un souvenir. «La Marseillaise », que nos pauvres joueurs internationaux de football sont obligés de chanter avant chaque match sous peine de déplaire à Didier Deschamps et de se faire virer de la sélection, n'est-elle pas un appel au meurtre de masse ? « Qu'un sang impur abreuve nos sillons... » Il y en a qui se sont retrouvés à La Haye pour moins que ça.
La dernière invention de l'Etat pour tourmenter les Français: la retenue à la source. Les contribuables étaient naguère les premiers à boire leur eau. L'Etat leur laissait ce mince privilège. On sentait bien que cet ordre des choses le mécontentait. Il y avait comme une mauvaise humeur lente et une colère atone dans la façon abrupte qu'il avait de boire notre eau après nous. Il a fini par juger que la première place à la source lui revenait de droit. Désormais, c'est lui qui boira en premier. Quelle que soit notre soif, la sienne primera. Et ce n'est pas trois fois par an que nous verrons l'Etat encombrer l'entrée de notre source, mais douze fois. Il se plantera, tous les trente ou trente et un jours, devant nos lèvres sèches, nous menaçant du doigt tandis qu'il absorbera, avec de grossiers borborygmes, la quantité d'eau dont il aura besoin pour ses dépenses somptuaires de sécurité personnelle et ses coûteux voyages de prestige présidentiel.
Payer ses impôts était un acte, c'est devenu un viol. On avait le choix de ne pas le faire et on en subissait les conséquences, souvent dramatiques. L'Etat, alors, n'hésitait pas à tuer, avec une prédilection pour les écrivains: Vian, Sagan. On pouvait préférer nourrir ses enfants plutôt que les fonctionnaires de l'Union européenne. A l'arrivée, ça coûtait bonbon, mais, au moins, les petits avaient mangé. Acheter pour notre mère les médicaments non remboursés contre l'alzheimer au lieu d'engraisser les députés oublieux de leurs promesses électorales, ce sera désormais impossible. La retenue à la source est une mesure pour infantiliser le peuple: ce n'est plus lui qui décide s'il veut payer ou pas, c'est son père qui ampute d'emblée l'argent de poche du mois pour pouvoir payer les traites de sa nouvelle voiture de fonction. Le président Macron devrait quand même se méfier des buveurs d'eau français: «La Marseillaise », ils ne se contentent pas toujours de la chanter .
Patrick Besson, L’Etat, premier servi, dans Le Point du 30 août 2018
Il ne faut pas oublier que la révolte des gilets jaunes est aussi une révolte fiscale. La taxe sur les carburants voulue par le gouvernement a été la goutte qui a fait déborder le vase. Les manifestants considèrent le montant des impôts excessif, trop lourd, trop illisible, pas assez juste. Le prélèvement à la source mis en place depuis le début de l’année est aussi révélateur d’une conception infantilisante dans lequel le salarié aura de plus en plus de difficulté à savoir ce que lui coûte le « système social français ». Le grand débat national qui va être mis en place remettra-t-il à plat notre système de prélèvement des impôts ? Il serait alors bon de s’inspirer du Philosophe Philippe Némo, auteur de Philosophie de l’impôt (PUF 2017)
En France, le taux des prélèvements obligatoires a augmenté spectaculairement en une cinquantaine d'années, passant de 10 % à 50 % du PIB. C'est là un événement considérable et sans précédent historique, sur lequel il est grand temps de réfléchir. Et, dès lors que cette croissance démesurée de l'Etat est susceptible de modifier profondément la société et l'homme lui-même, les analyses économiques ou sociologiques ne suffisent plus, il faut une réflexion philosophique. Quand on prive les gens du contrôle de la moitié de ce qu'ils produisent, on les prive de la moitié de leur liberté. On fait un grand pas en avant sur ce que Friedrich August von Hayek a appelé la «route de la servitude». Le problème est que ce changement sociétal effrayant s'est opéré sans bruit, sans objections intellectuelles, l'opinion étant hypnotisée par les idéologies socialisantes prêchées pendant toutes ces décennies dans notre pays.
Philippe Némo, Le Figaro Magazine du 22 novembre 2018
La banque de France n’est pas la banque de la France, elle est bien déjà privée, ce qui conduira Napoléon à une citation importante.
Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au dessus de la main qui reçoit. […] L’argent n’a pas de patrie; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence; leur unique objectif est le gain.
Le 19 septembre 1356, Jean le Bon est battu et fait prisonnier à la bataille de Poitiers. La rançon de Jean le Bon est fixée à trois millions d'écus d'or.
Le 5 décembre 1360, à Compiègne, le Roi Jean II crée une nouvelle monnaie, le «franc», de même valeur que la monnaie existante, la livre tournois. La pièce représente, sur la face, Jean II le bon à cheval, galopant, l'épée haute, coiffé d'un heaume couronné sommé d'un lis, portant par-dessus sa cotte de mailles une cotte d'armes fleurdelisée ; le caparaçon du cheval est également brodé de fleurs de lys. Figure une inscription circulaire : IOHANNES DEI GRATIA • FRANCORV REX, traduit « Jean, par la grâce de Dieu, Roi des Francs ».
Sur le revers, on y trouve une croix feuillue avec quadrilobe en cœur, dans un quadrilobe orné de palmettes et cantonné de quatre trèfles évidés. Figure une inscription circulaire : XPC VINCIT • XPC REGNAT • XPC INPERAT qui veut dire « le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande.
Cette création est une réponse ironique à l'attitude méprisante des Anglais. Il reste que la situation financière du royaume devient tellement catastrophique que l'on battra monnaie sur du cuir pendant un certain temps.
Le franc a perduré comme monnaie de référence de la France jusqu'au 31 décembre 2001, dernier jour avant l'euro. Il subsiste dans les anciennes colonies françaises d'Afrique et du Pacifique ainsi qu'en Suisse (vestige de l'Union latine)...
"La question de l’euro est devenue dogmatique : y rester est une saine évidence qui ne se discute pas, en sortir est une aberration traduisant une déficience mentale, voire des tendances fascisantes. Les élites politico-médiatiques ferment ainsi la porte à toute discussion sereine sur le sujet. À l’exception de Marine Le Pen, tous les leaders des grands partis politiques affichent leur détermination sans faille : l’euro est un acquis définitif. Et pourtant…
Si l’euro était la huitième merveille du monde, pourquoi tant de grands économistes, à peu près ignorés par le Système, démontrent-ils implacablement que la mise en place de l’euro fut une aberration économique, et que son maintien ne pourra durer ? Stiglitz, prix Nobel d’économie, économiste mondialement reconnu ; Sapir, grand économiste de gauche, unanimement respecté ; Gave, grand économiste de droite, non moins respecté ; Lauzun, économiste de renom, ex-Délégué général de l’Autorité des marchés financiers ; et tant d’autres…Ces économistes, qui savent de quoi ils parlent, sont formels : l’euro finira mal.
Si l’euro était la huitième merveille de la France, pourquoi la totalité des indicateurs économiques de notre pays se sont-ils effondrés à partir du début du siècle, date de sa mise en place ? La croissance, la dette publique, le budget de l’état, le chômage, le commerce extérieur, l’industrie, l’agriculture : tout s’est écroulé à une vitesse inédite. Les journalistes économiques, qui sont souvent à l’économie ce que Macron est à la culture, ne voient aucun rapport entre cette situation calamiteuse et l’euro. L’idéologie, sur ce sujet comme sur tant d’autres, les aveugle.
Les calculs du coût d’une sortie de l’euro, réalisés par le système politico-médiatique, sont généralement totalement erronés, et occultent totalement le second et si nécessaire calcul du coût du maintien de l’euro, coût véritablement pharaonique, que nous continuerons de payer à guichet ouvert.
Le débat sur l’euro doit donc s’ouvrir dans la sérénité, sur les fondements d’analyses réelles, non faussées par l’idéologie. À cet égard, certains organismes influents, comme le Medef, ou certains journaux à fort tirage, comme Le Figaro ou les Echos, s’honoreraient s’ils faisaient preuve, sur ce sujet capital, de plus d’objectivité, et s’ils travaillaient plus à fond ce dossier. Car les candidats à la présidentielle ne peuvent être valorisés ou jetés aux orties, de façon définitive et non argumentée, selon qu’ils sont pour le maintien de l’euro ou pour son abandon. Le sujet mérite un traitement de meilleure qualité, puisque l’avenir de notre pays en dépend, d’une certaine façon."
Quel est le point commun entre Cristiano Ronaldo, star du Real Madrid et de la sélection nationale portugaise qui dispute l’Euro 2016 en France, et un ouvrier d’une usine textile vietnamienne ? Une marque : Nike. Le premier bénéficie d’un contrat de sponsoring avoisinant les 25 millions d’euros annuels pour arborer chaussures et maillots estampillés du célèbre logo. Le second les confectionne pour environ 170 euros mensuels [1], un revenu très inférieur au « salaire vital » nécessaire à la satisfaction des besoins fondamentaux – logement, énergie, eau potable, alimentation, habillement, santé, éducation… – d’une famille vietnamienne.
De la Grèce à l’Italie, en passant par l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, la zone euro est en feu. La monnaie unique censée nous protéger se révèle un piège dangereux. Tout cela avait été prévu car les défauts structurels de la zone euro étaient notoires et bien connus des économistes.
L’Histoire dira la responsabilité de nos gouvernements qui, par idéologie, par conformisme et parfois aussi par lâcheté, ont laissé la situation se dégrader jusqu’à l’irréparable. Elle dira aussi l’immense culpabilité de ceux qui ont cherché à imposer une Europe fédérale en contrebande, par le biais de la monnaie unique, à des peuples qui n’en voulaient pas. Aujourd’hui, c’est aussi une certaine conception de l’Europe qui agonise. La crise actuelle solde à la fois les erreurs d’une financiarisation à outrance et la faute politique que furent le traité de Lisbonne et le déni de démocratie qui suivit le référendum sur le projet de traité constitutionnel en 2005.
Faut-il, dans ces conditions, sortir de l’euro ? Ce livre tente de répondre à cette question.
Les grecs ont étés appelés ce dimanche à s’exprimer par référendum sur les dernières propositions des créanciers du pays .
Beaucoup de spécialistes prédisaient qu’un "non" aurait pour conséquence la remise en question de notre monnaie unique, l’euro.
Jean-Pierre Vesperini, professeur d’économie, dans son livre L’euro (Dalloz, 2013) en dressait un bilan .
Voici un extrait de la conclusion de son ouvrage :
Il convient de dresser un bilan de l'euro. (…) L'actif se limite à la disparition de l'instabilité des changes entre les monnaies européennes. En revanche, le passif de l'euro apparaît particulièrement lourd. En effet, un peu plus de dix ans après sa création, nous pouvons porter au passif de l'euro le déclin de la France, la stagnation de l'Italie et du Portugal, l'effondrement de l'Espagne et de l'Irlande et le chaos dans lequel se trouve plongée la Grèce. Nous pouvons aussi porter au passif de l'euro, qui devait être un modèle de bonne gestion, la plus grande faillite d'un État avec le défaut de 107 milliards d'euros de la Grèce (...) Jamais depuis la fin de la Second Guerre mondiale l'écart qui sépare la croissance de la zone euro de celle du monde n'a été aussi élevé. Jamais depuis la fin de la Second Guerre mondiale les dissensions entre les peuples européens n'ont été aussi grandes qu'aujourd'hui. Jamais depuis la fin de la Second Guerre mondiale le prestige de l'Europe dans le monde n'est tombé aussi bas.
Stupéfaits et désemparés, nous assistons au déroulement implacable d'un scénario de cauchemar dans lequel une à une toutes les économies de l'ensemble méditerranéen, toutes ces grandes et vieilles nations, (…) s'enfoncent dans la dépression selon un processus inexorable dont le mécanisme est parfaitement ordonné. (…) La crise européenne est inscrite dans les gènes de l'euro, porteurs de ces vices. Et l'on ne portera pas remède à cette crise avec des montages financiers plus ou moins ingénieux, comme on l'a fait jusqu'à présent. Le processus de destruction des économies européennes est directement le résultat de l'abandon de souveraineté monétaire auquel ont consenti les États qui ont adhéré à l'euro. C'est cet abandon qui explique qu'ils aient dû supporter et supportent des taux de change et des taux d'intérêt complètement inadaptés à leur situation.
L'actif de l'euro est donc loin de compenser son passif. Nous avons payé d'un prix exorbitant le bénéfice de la disparition de l'instabilité des changes entre les monnaies européennes (…)
L'euro a été une erreur pour l'Europe (…). Une erreur qui ne peut se comparer, dans son défaut d'analyse comme dans ses conséquences, qu'à celle commise par les gouvernants et l'état-major français entre les deux guerres et qui conduisit au désastre de juin 1940.
On remarquera d'ailleurs que les causes du désastre de l'euro comme de celui de juin 1940 sont de même nature : la croyance en des conceptions dépassées. Les conceptions des gouvernants et de l'état-major, qui étaient valables à la fin de la Première Guerre mondiale, ne l'étaient plus vingt ans après. De même, les conceptions de Robert Schuman et Jean Monnet, qui étaient valables en 1950, ne l'étaient plus vingt plus tard. (…) L'idéologie du nationalisme a détruit l'Europe. Et voici qu'aujourd'hui, l'idéologie, pourtant bien intentionnée, qui a donné naissance à l'euro, qui prétendait faire disparaître les poisons du nationalisme, est elle-même en train de détruire l'Europe. Comme si une fatalité pesait sur l'Europe la condamnant à être détruite par des idéologies malfaisantes. (…)
(Il faut abandonner) le rêve des Etats-Unis d'Europe, qui était justifié en 1950, mais qui a cessé depuis longtemps d'être adapté aux données du monde contemporain et de correspondre aux besoins comme aux désirs des peuples européens.
L'Union européenne doit donc être repensée comme une instance de coopération entre les nations européennes et non comme l'étape précédant la création d'un État fédéral européen. L'abandon du rêve des États-Unis d'Europe implique lui-même l'abandon de l'idée selon laquelle la monnaie unique est nécessaire parce qu'elle est un instrument indispensable à l'existence d'un État fédéral.
L'euro ne doit donc pas être conçu comme un instrument au service d'un dessein politique. L'Europe fédérale se fera lorsque les peuples européens auront la volonté de créer une défense et une diplomatie européennes, ce qui sera peut-être un jour le cas, mais (…) ne paraît devoir l'être dans un avenir proche. Ce n'est pas l'euro qui fera naître cette volonté. L'euro doit plus simplement être au service de la croissance. (…). Pour (ce faire), il faut d'abord (…), que la zone euro opère un changement radical de sa politique économique (…). Mais si ce changement est nécessaire pour mettre fin au blocage de la croissance en Europe, il ne sera pas suffisant pour assurer une croissance durable et équilibrée. Pour cela (…), il est nécessaire que les Etats de l'ensemble méditerranéen et ceux de l'ensemble germanique procèdent à une scission négociée de la zone euro par le départ de ces derniers de la zone euro.
Il faudra malheureusement sans doute que la situation économique des Etats de l'ensemble méditerranéen, mais aussi par contre coup de l'ensemble germanique, continue à se dégrader pour que soient réunies les conditions permettant à cette négociation d'aboutir et à l'Europe de retrouver, avec la croissance, son rang dans le monde.
Edouard Tétreau, enseignant à HEC, estime dans Le Figaro du 22 mai 2015 que notre système économique est au bord d’une crise majeure, et voit dans le recours à la doctrine sociale de l’Eglise une "troisième voie", un moyen de s’en sortir (Ichtus) :
[...]"Ce nouveau modèle économique et social, nous allons le trouver du côté de la troisième voie. Cette troisième voie est celle de la doctrine sociale de l’ Eglise, qui rejette autant le socialisme empreint de lutte de classes et de haine de l’autre (le « riche »), que le capitalisme d’aujourd’hui. Un capitalisme où « tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible.(…)(Où) on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation ,qu’on peut utiliser et ensuite jeter. » Ce capitalisme-là, celui de la «culture du déchet » humain, qu’exacerbent la financiarisation et la digitalisation de nos économies, est dénoncé en ces termes par le pape François, dans son encyclique Evangelii Gaudium. De la recherche et la mise en œuvre du bien commun à l’option préférentielle pour les pauvres ; du principe de subsidiarité (priorité aux actions concrètes et locales, plutôt qu’aux Léviathan bureaucratiques, privés comme publics) à celui de participation (participation de tous aux fruits du travail – et au capital), cette doctrine montre une extraordinaire modernité, et propose des solutions concrètes pour sortir des impasses. Ces solutions passent par la priorité absolue à donner aux éléments les plus fragiles de nos sociétés : qu’il s’agisse de l’enfant à naître comme de chacun de nous qui peut connaître la maladie, le handicap, les accidents de la vie – contrairement à un algorithme. Elles passent aussi par « une réforme financière qui n’ignore pas l’éthique ».
Le 1er mai : Fête du Travail . Pas de travail sans entreprise . Pas d'entreprise sans entrepreneur . Rendons hommage à un grand entrepreneur qui vient de nous quitter : François Michelin dont voici des extraits d'un discours à l'occasion d'une remise de médailles du travail.
EVR
1926, c'est l'année de ma naissance. Certains d'entre vous sont à l'Usine depuis ce moment-là. Et c'est avec vous les anciens que (...) j'ai appris à vivre, à travailler et, peu à peu, à faire mon métier. Il y en a eu des gens qui, avec gentillesse, mais tout de même aussi avec courage, m'ont fait réfléchir à ce qui n'allait pas, à ce que je faisais mal ou ce que je ne faisais pas ! je me souviens de l'un d'entre vous qui m'a dit un jour : "Monsieur, vous ne travaillez pas assez". J'ai cherché à comprendre ce qu'il voulait dire et il m'a précisé : " On ne vous voit pas assez dans l'atelier". Eh oui ! Parce que pour lui, le "travail" du patron c'était d'être là où les choses se font, pour voir, pour entendre. Et ce qu'il y a de profondément vrai dans cette idée, c'est peut être ce jour-là, grâce à lui, que je l'ai le mieux compris. Combien de fois, sous une forme ou une autre, des rencontres de ce genre m'ont ouvert les yeux !.(...)
Il y a un contrat moral, un contrat de confiance qui nous lie les uns les autres avec nos clients et qui est le vrai fondement de l'ouvrage. Les recherches, les techniques, l'application dans le travail, les contrôles, l'organisation qui assure la qualité et le prix des produits, c'est ce que nous apportons tous. Le client, de son coté, apporte l'argent qui permet à l'usine de vivre et en particulier de payer les deux milliards de nouveaux francs qu'elle verse chaque année en salaires. Et c'est pour cela que le vrai patron, c'est le client. Nous sommes du même coté de la barrière vous et moi ; nous dépendons du choix du client qui est en face de nous. Il a le droit de choisir notre produit, mais il a aussi le droit d'en choisir un autre.
Et ceci n'est pas une façon de parler. C'est quelque chose de très concret. Vous savez, ce choix, il se joue d'homme à homme, en discutant sur des faits. Il ne faut pas croire qu'un marché s'enlève avec des sourires, ou à la fin d'un repas d'affaires. (...)
Les progrès constants, considérables que nous avons accomplis dans la qualité de nos pneumatiques, (...) tous ces progrès, nous les avons faits parce que le client nous y a contraints, exigeant toujours plus de nous, en exigeant des choses que nous ne nous savions pas même capables de lui offrir, en montant la barre toujours plus haut. Mais je peux vous dire aussi qu'à ce prix-là nous avons acquis avec nos clients un type de relations qui est la vraie force de la Maison : ils sont notre patron, mais ils sont aussi nos amis . Ils nous poussent dans nos retranchements, mais ils nous font confiance. j'ai rencontré souvent des clients, que ce soit chez les constructeurs de voiture, chez les agents (...) : il y a quelque chose qui les attire chez nous, c'est que nous leur disons la vérité. Il arrive que nous nous trompions, que nous ne fassions pas du tout ce que l'on attend de nous. Mais les clients savent que nous ne leur racontons pas d'histoires, et que quand ils nous ont révélé une faiblesse, nous travaillons d'arrache-pied à nous améliorer ; ils savent que nous nous intéressons à ce qu'ils nous disent et que nous ne nous dérobons pas. C'est pour cela qu'il s'est créé entre eux et nous des liens d'amitié. Ils ne sont pas devenus nos clients parce qu'ils étaient nos amis, mais ils sont devenus nos amis parce qu'ils ont trouvé en nous des gens réellement soucieux de les satisfaire.
Ce dont je vous parle là, c'est vraiment la base de l'entreprise. (...).Il s'agit de quelque chose de très simple quand on veut bien regarder la réalité en face. A l'origine de toute entreprise, il y a un homme qui essaie de découvrir un besoin et qui cherche les moyens de satisfaire ce besoin. Il cherche à vérifier si les moyens qu'il propose correspondent aux goûts des clients. Car l'entreprise ne peut tourner que si les clients achètent ses produits ; ce sont les clients qui apporteront l'argent nécessaire à la vie et au développement de l'entreprise qu'il veut fonder. Et ce qui est vrai à la naissance d'une entreprise reste vrai tout au long de sa vie. C'est un risque continu, c'est une création continue. (...)
Mon métier (de patron) c'est de m'employer à ce que tout ce qui se fait dans la Maison, tout ce que vous faites, soit bien fait. C'est de vérifier que partout dans l'Usine, les impératifs fondamentaux, qui sont le respect du client, le service du client, le souci de trouver le meilleur moyen de le satisfaire, sont bien compris. Quand les choses sont compliquées et je ne sais pas bien comment me décider, c'est à cette boussole-là que je demande où est le nord. Et je ne me sens pas le droit de vous juger autrement que par rapport à ce critère : "Est-ce que la personne que j'ai en face de moi est capable de bien comprendre le but de l'Usine ? Est-ce qu'elle a bien le sens du client ?".
Et ce métier que je fais, ces questions que je me pose, vous devez vous aussi le faire avec moi, parce que vous êtes vous aussi responsables de la Maison devant le client, dans le travail que vous faites.
Après le Portugal, où le livre d’un économiste qui propose de revenir à l’escudo fait un tabac, comme le rapporte Coralie Delaume, c’est en Espagne que le débat sur l’euro rebondit. Le site Expansion a ainsi publié un papier qui révèle que pas moins de 5 prix Nobel* d’économie voient dans le retour de la peseta et la sortie de l’euro le moyen pour le pays d’enfin sortir de la crise économique qu’il traverse : outre Paul Krugman et Joseph Stiglitz, dont les critiques contre l’euro sont connues, s’y ajoutent James Mirrlees (1996), Christopher Pissarides (2010) et Thomas Sargent (2011).