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30 juin 2018 6 30 /06 /juin /2018 11:16

Reçu d'EVR :

Georges Bernanos (1888,1948) a été mis à l’honneur cette semaine grâce à notre président. En effet, à l’occasion de sa visite au Vatican, mardi 26 juin, pour prendre possession de son titre de «chanoine honoraire de l’archibasilique de Saint-Jean-de-Latran », Emmanuel Macron a offert au Pape une édition rare d'un livre de Georges Bernanos traduit en italien, Journal d'un curé de campagne.

Le président aimerait-il autant le beau texte ci-dessous du grand écrivain ?

 

Plus j'avance en âge, plus s'impose à moi cette évidence qu'un chrétien n'est rien sans le Christ, même humainement, même au regard des hommes, que le don inimaginable que nous avons reçu sans l'avoir aucunement mérité a cette contrepartie terrible qu'en le trahissant nous tombons au-dessous des hommes les plus médiocres, que nous devenons des monstres, au sens étymologique du mot. Si les chrétiens sentaient profondément cette vérité redoutable, (…) ils comprendraient que le privilège inouï qui leur a été conféré leur interdit de se faire trop facilement juges de ceux auxquels, par une apparente mais déchirante injustice, il a été refusé. (…)

Le grand malheur de ce monde, la grande pitié de ce monde, ce n'est pas qu'il y ait des impies, mais que nous soyons des chrétiens si médiocres, car je crains de plus en plus que ce ne soit nous qui perdions le monde, que ce ne soit nous qui attirions sur lui la foudre. Quelle folie de prétendre nous justifier en nous vantant orgueilleusement de posséder la vérité, la vérité plénière et vivante, celle qui délivre et qui sauve, puisqu’elle reste impuissante entre nos mains, que nous demeurons misérablement sur la défensive derrière une espèce de Ligne Maginot hérissée de prohibitions, d'interdictions, comme si nous n'avions rien de mieux à faire que de garder la Loi, alors que notre vocation naturelle et surnaturelle est de l'accomplir !(…)

Je n'ai jamais été ce qu'on appelle si drôlement « un chrétien de gauche », je déplore qu'on ait trop souvent parlé de l'esprit révolutionnaire de l'Evangile, car cette expression est, pour le moins, équivoque ; je ne me sens nullement anarchiste, mais, à qui prétend me parler au nom de I‘Ordre, je lui demande d'abord de montrer ses titres. Mon obéissance n'est pas à qui veut la prendre, n'a pas mon obéissance qui veut. J'appartiens à la plus antique, à la plus illustre chrétienté de l'Europe et qui n'a jamais reçu ses maîtres du hasard mais des mains mêmes de Dieu, au nom duquel le successeur de saint Rémi de Reims les oignait et les couronnait avec l'onction du Sacre. Je n'ai pas le goût de détruire mais je ne suis pas né non plus pour conserver tout ce qu'on me donne à conserver, je ne me crois pas forcé de couver n'importe quel œuf, même si c'est un œuf de serpent. Notre vocation, à nous autres Français, n'est pas de conserver mais de servir.

Chrétiens, je dis que l'état présent du monde est une honte pour les chrétiens. (…) Au lieu de proclamer avec des trémolos, pour l'attendrissement des personnes sensibles, que les forces du Mal l'emportent partout, que le paganisme ressuscite, vous feriez mieux d'avouer humblement que votre Ligne Maginot n’a pas tenu, que vous avez laissé se rompre le front de la Chrétienté. Puisse-t-il se reformer un jour avec l'aide des héros et des saints de ma race, dans mon pays humilié !

Car la Chrétienté française n'est pas morte. Il y a chez nous, plus que partout ailleurs sans doute, des vrais chrétiens de Chrétienté. Que le grand reniement les ait dispersés, n'importe ! Ils savent ce qu'ils ont à faire, ils savent ce qu'ils veulent, ils veulent le royaume de Dieu. Ils ne se contenteront pas de l'attendre, ils le veulent, ils iront le chercher. Ils ne le veulent pas seulement pour eux-mêmes, ils iront le chercher pour les autres, ils ne croient pas qu’un chrétien soit tenu de faire son salut tout seul, en cachette, comme les avares comptent leurs sous (…).

Nous sommes les fils des cathédrales, (…) Nos cathédrales sont si hautes et si ouvertes que nous avons appris à ne pas craindre les courants d'air. Nous prenons le christianisme comme nous prenons la vie - les deux ne font qu'un -, nous le prenons comme un risque. Nous n'avons jamais souhaité d'être traités en nourrissons. Nous sommes de libres enfants du Bon Dieu qui ont le droit de manger à la table de famille, même s'il leur arrive parfois de casser les verres. Nous ne voyons pas d'abord dans le christianisme un système compliqué de défenses et de restrictions, nous savons tous très bien que le plus sûr moyen d'éviter les mauvaises pensées c'est d'en avoir de bonnes, que le détachement de soi, si difficile à réaliser par une savante gymnastique mentale, vient tout de suite à qui se donne aux autres, que l'esprit de pauvreté ne manquera jamais à ceux qui aiment les pauvres, les aiment pour eux-mêmes et non pour le profit spirituel qu'ils tirent de l'aumône car, enfin, Dieu nous invite à les honorer et à les servir, non à nous honorer et à nous servir en eux.

La Chrétienté française connaît ces secrets. Ce sont d'humbles secrets dont la possession ne peut faire envie aux Sages et aux Docteurs, des outils un peu rustiques, mais nous savons nous en servir, ils sont faits à nos mains, Ils sont à nous comme notre langage et, si j'ose dire, comme le vin de nos vieilles vignes.

article écrit en 1941, extrait de Ecrits de combat

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