Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

1 mars 2008 6 01 /03 /mars /2008 08:46
 
Comme les temps ont changé ! Comme on est loin de la laïcité à la Jules Ferry, cadavre ressorti du placard par un homme politique « chrétien de conviction » qui se raccroche aux débris d’une pensée que le Niagara de l’histoire va engloutir !
 
(GIF)
Le Ciel sur la Terre
Falk Van Gaver - Editions Tempora - 18,90€

Cet essai est le cri d’un homme en train d’asphyxier. Péniblement il cherche l’air qui le fera survivre et il tente d’analyser les causes de son infortune. Il est malheureusement venu au monde en un temps où l’idéal de l’homme gavé a succédé à celui de l’homme communisé. Temps où le ciel bétonné par tous les vecteurs de l’idéologie ambiante ne laisse passer, par d’infimes fentes, que d’infimes lueurs spirituelles recueillies avec piété par une poignée de veilleurs, dont l’auteur de ces lignes.

Veilleur aussi Jacques de Guillebon qui préface cette ouvrage en décrivant ainsi la mission assumée : « C’est la lourde charge qui nous est confiée, que le joug du Christ rend cependant légère : renseigner chaque fonction de l’existence du voisinage immédiat du Salut : ordre politique, écologie, solidarité sociale, protection de la vie, soin du corps, enchantement du monde : rien n’échappe à cette fin qui est moteur en même temps qu’elle est explosion initiale, qui est grâce d’entrer dans l’ordre de la grâce ».

La grande question, l’unique question, celle d’où découlent toutes les autres, est donc, pour ceux qui, dans la foule pressée et déferlante, s’arrêtent et réfléchissent, est celle de toujours, celle de Dieu. D’où cet essai de théologie peut être pas si « sauvage », en tous cas certainement non-conformiste.

A la contemplation de Dieu présente au long des pages répond la réflexion sur l’homme, sur l’homme contemporain particulièrement, « cette huître refermée sur son firmament », coincé entre son désir d’imitation - « dans la société de l’image où l’idéal comme l’icône se meurent, la mimésis prolifère »- et son besoin d’affirmer ses différences. Ces impulsions contradictoires étant admirablement manipulées par ce que Van Gaver nomme la « post-démocratie » ainsi décrite selon le mot de Pierre-André Taguieff « le pouvoir du peuple, sans pouvoir ni peuple. Une impensable démocratie sans demos ni kratos. »

C’est au lumineux enseignement de Jean-Paul II que se réfère toujours cette génération qui cherche à tâtons sur le champ de ruines laissé par la précédente. Jean-Paul II qui « a ainsi défendu une authentique théologie de la nation (...) ouvrant le concept de patrie à la dimension de l’eschatologie et de l’éternité, sans supprimer pour autant son contenu temporel ».

Mais il est évident que le politique s’est effacé devant l’« idole économique ». « Idole semeuse de guerres et de destructions. Dans le fonctionnement mythique de l’économie, l’homme est un être vorace et avide, centré sur des biens dont il doit se gaver, dépourvu de toute ouverture vers l’infini. L’avidité est devenue l’âme de la société... ». « L’homme qui n’a pas été capable d’ouverture infinie s’est transformé en un être à l’espace intérieur sans cesse occupé et asphyxié par l’accumulation des choses ».

La conclusion est sans ambages : « nous ne pouvons laisser l’économie aux libéraux pas plus qu’aux marxistes, de même que nous ne pouvons plus laisser l’écologie aux gauchistes pas plus qu’aux industriels ». En faisant sienne la phrase de Pie XII, « c’est tout un monde qu’il faut refaire depuis les fondations », en cherchant ses références du côté de la doctrine sociale de l’Eglise, tout en gardant un juste champ de liberté.

Demeurer libre et réinventer une culture chrétienne, une façon de vivre chrétienne, « Ce n’est pas à la façon dont quelqu’un me parle de Dieu que je vois s’il a connu les feux de l’Amour, c’est à la manière dont il me parle des réalités humaines », disait la philosophe Simone Weil. Et dans l’ordre du réalisme de l’incarnation, le grand maître c’est Péguy ! -« Merveilleux, grandiose, magnifique Charles Péguy »- Citons-le : « Toutes nos maisons sont des forteresses in periculo maris, au péril de la mer (...) nous sommes tous aujourd’hui placés à la brèche. Nous sommes tous à la frontière. La frontière est partout. La guerre est partout, brisée, morcelée en mille morceaux, émiettée. Nous sommes tous placés aux marches du royaume. Nous sommes tous des marquis ».

Le coffre de la pensée chrétienne contient d’immenses richesses ! Et il reste habituellement fermé ! Quelle joie donc de voir Falk Van Gaver puiser avec jubilation chez Saint Augustin et Saint Thomas, chez Saint Anselme et Saint Bonaventure, chez Chesterton et Maritain comme aussi, chez les auteurs les plus contemporains, pour alimenter une réflexion foisonnante d’un tour tout personnel sur les problématiques les plus actuelles ! Réflexion qui ne fait pas l’économie de la fin de l’histoire. Réflexion ardente, totalement chrétienne, avec ses bienfaisantes marges de liberté, et qui, parfois, scrute l’invisible  : « La charité, l’amour, un déluge seul d’amour peut sauver le monde - l’amour qui est tout le contraire du sentimentalisme humanitaire, et qui est inséparable de la vérité et de la justice. L’amour exige que nous aimions jusqu’à donner notre vie pour les autres, mais il exige que nous haïssions implacablement l’erreur et le crime, et que la force, quand il le faut, soit employée pour défendre la justice, la vérité, le bien des âmes et les droits de Dieu. La charité est aujourd’hui expulsée de la vie publique mais elle brûle toujours dans le secret des âmes chrétiennes. Et même, chose admirable, la vie qu’elle entretient dans ces âmes est moins troublée que le cours des astres par les bouleversements de l’histoire humaine ».

Extrait du Permanences n°448.

Partager cet article
Repost0

commentaires