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23 août 2007 4 23 /08 /août /2007 19:44

 

A quoi sert la virtuosité ? J'écoutais récemment un pianiste renommé qui jouait vite, très vite, trop vite, encore plus vite qu'un autre, tout aussi renommé, quelques jours auparavant! J'écoutais, il y a quelques mois, dans un concours, une violoniste à peine sortie de l’adolescence qui maniait son archet comme un jockey fouette son cheval dans la ligne droite des tribunes! J'entendais, il y a quelques jours, une jeune soprano qui pétaradait des contre-fa, un contre-sol même, et qui ensuite, souriante, claironnait qu'elle possédait le contre-la ! Fort bien, tout cela impressionne -et est d'ailleurs fait pour impressionner. Mais où est la musique dans ce culte de la performance à tout va ? Car ce pianiste TGV ne racontait rien avec son piano; car cette violoniste formule 1 manquait de chair, manquait d'âme; car cette soprano pyrotechnique manquait de corps ! Qu'est-ce qui, durant ces dernières décennies, rien d'humain et semblent des codes a ainsi transformé des interprètes en robots accélérés ?  Pourquoi les mélomanes se tournent-ils de plus en plus souvent vers des enregistrements du passé ? En aucune une manière du fait d'un passéisme de mauvais aloi mais bien dans la volonté de retrouver une émotion au détour d'une fêlure, d'un ploiement soudain, d'un souffle retenu. En fait, l'accélération virtuose a quelque chose qui n'est pas sans rapport avec l'accélération des relations de toutes sortes: grâce à l’automobile au TGV, à l'avion, on se déplace plus vite, et l'on se repose moins, se donnant l'illusion de vivre plus alors qu'on profite moins du temps à savourer; grâce au micro-ondes, on se fait un dîner en cinq minutes chrono et l'on n'a plus la sensation de partager des matières, des dosages subtils, des odeurs de cuisson; grâce aux sms, on s'envoie des messages qui n'ont plus rien d'humain et semblent des codes plus ou moins secrets «< tu è bo» :« g envi 2 toi») et l'on oublie non seulement l'orthographe mais aussi le plaisir de l'écriture; grâce à la libération sexuelle, on se rencontre à 18 h, on couche à 21h -et l'on perd ces lentes stratégies du désir qui faisaient battre le coeur et échauffaient l'esprit. Tout va très vite, trop vite, tout se consomme à toute allure, tout se consume avant de s'épanouir: la musique souffre de ce même mal d'époque. Dommage!

Alain Duault

Classica-Répertoire,  juin 2007

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